19 mai 2022
Tachfine Baida, « L’émergence du « Moujtamaâ al Mim » : Processus et dynamique de construction d’une minorité sexuelle au Maroc », HAL-SHS : études de genres, ID : 10670/1.nf693w
La dernière décennie a été caractérisée par l’essor d’un mouvement organisé appelant à la reconnaissance des droits des minorités sexuelles et de genre au Maroc. En 2020, en réaction à une campagne d’outing d’utilisateurs de sites de rencontres « Gay » sur les réseaux sociaux, une douzaine d’organisations de la société civile se revendiquant du Moujtamâa al Mim (Communauté Lesbienne, Gay, Bisexuelle Transgenre et Intersexe LGBTI) a exprimé dans une déclaration conjointe sa condamnation aux actes causant préjudice aux « minorités sexuelles » au Maroc. Ce discours, quasiment absent jusqu’alors, nous invite à interroger les processus de construction d’une « minorité sexuelle » dans le pays. Dans cet article, nous revisitons cette dynamique dans ses dimensions historique et sociologique. A travers une analyse du discours des acteurs de la société civile travaillant dans la diversité sexuelle et de genre au Maroc, nous examinons comment leur plaidoyer contribue à la représentation des individus de la diversité sexuelle et de genre comme faisant partie d’une «minorité». Cet article soutient que la diversité sexuelle et de genre au Maroc connait un processus de minoration qui s’inspire généralement des trajectoires de libération LGBTI dans les pays du Nord. Dans l’objectif de faire avancer les droits et libertés sexuelles, les militant.es du Moujtamâa al Mim se sont revendiqué en tant que minorités sexuelles et de genre. Nous concluons que ce processus produit un effet paradoxal. Alors qu’il contribue à la visibilisation de la diversité sexuelle et de genre au Maroc, il participe néanmoins à sa stigmatisation sociojuridique par effet de catégorisation des individus selon leur orientation sexuelle. Ceci résulte, in fine, par l’adoption par les élites politiques au pouvoir d’un discours hostile à la diversité sexuelle et de genre, considérée de fait comme catégorie marginale dans la société marocaine.