2019
Cairn
Yann Hutin, « Visions, présages et visages de cerf dans le rituel des Huichol du Mexique », Cahiers d'anthropologie sociale, ID : 10670/1.nqu30k
Les Indiens huichol du Mexique sont connus pour leur consommation d’un cactus psychotrope, le peyotl, et pour leur art des tableaux de fil. Le contenu symbolique de ces œuvres est souvent considéré comme l’expression de la vision hallucinatoire qu’aurait eue son auteur. Pourtant, en comparant les sources historiques sur l’usage du peyotl et un tableau de fil contemporain, on s’aperçoit que ces pratiques traduisent deux préoccupations opposées : prophétique et « archaïque ». Les rites collectifs de peyotl intervenaient jadis dans des contextes cynégétiques ou guerriers ; de nos jours, la confection des tableaux de fil est une activité individuelle et commerciale détachée de l’organisation sociale traditionnelle. Ainsi, pour comprendre l’expérience hallucinogène huichol, j’interrogerai plutôt le concept indigène de « vision », ou nierika, à l’aune de certains artefacts désignés par ce nom : l’ancien filet de chasse et sa reproduction miniature (appelés aussi kaunari, « corde »), ainsi que la peau du visage du cerf fixée sur un bâton cérémoniel. L’examen des supports matériels des visions se poursuivra à travers l’exemple d’un récit relatif à la métamorphose du bâton en une « personne ». L’analyse de la séquence d’échange de cet objet, au cours d’une interaction appelée kaunari, devrait renforcer l’idée d’une connexion entre « vision » et « capture », et raviver l’intention originelle liée à l’usage du peyotl, dès lors que le donateur accède à une faculté de clairvoyance.