2019
Cairn
Jean-Yves Le Talec, « Les Ours et la Lady : Ethnographie d’un rassemblement bear à Sitges (Espagne) », L'Homme & la Société, ID : 10670/1.ny41zq
Le phénomène bear s’est développé aux États-Unis, avec l’émergence de la culture gaie contemporaine au cours des années 1960 et 1970. Il s’est répandu en Europe au début des années 2000, en attirant surtout des hommes mûrs, blancs, de classe moyenne et urbains. Cette recherche ethnographique vise à décrire la Bears Week, un rassemblement annuel organisé à Sitges (Espagne) et fréquenté principalement par des hommes gais européens. Elle s’attache également à analyser la dynamique du genre à l’œuvre pendant ce regroupement festif et sexuel. Pendant une semaine, des milliers d’hommes convergent en ville et se concentrent particulièrement dans des lieux spécifiques : quelques plages durant le jour, le quartier gai de Sitges durant la nuit, où ils ont été observés. Aussi diverse et inclusive qu’elle puisse être, et quel que soit le sens précis que lui donne chaque individu, « l’identité bear » procède à la fois d’une performance de la masculinité hégémonique et d’une sexualité rendue visible, qui se traduisent par une présentation de soi masculine et une attitude virile, la mise en évidence d’une homosexualité « ordinaire » et la manifestation publique d’une camaraderie et d’une proximité avec ses pairs par le contact physique. En outre, ces hommes peuvent aussi performer l’efféminement, ou du moins manifester une forme de proximité et de complicité avec le « mélange des genres » et la culture camp. Sans être vraiment un rassemblement communautaire ni une mobilisation identitaire, la Bears Week se présente comme une semaine de fête, de rencontres sexuelles, et pose le décor d’un théâtre du genre et de la masculinité gaie.