20 novembre 2020
Margot Déage, « « Avoir une réputation »: Étude du (cyber)harcèlement scolaire comme risque réputationnel genré », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.nywfej
« Avoir une réputation » est une expression utilisée par les collégiens en termes négatifs. Elle s’adresse à des filles suspectées d'avoir rompu avec les normes de pudeur, ou à des garçons qui auraient une attitude jugée efféminée. Ces réputations genrées, ces rumeurs qui ont été érigées en vérités, sont prétextes à l’exclusion et aux agressions. La dégradation des jugements collectifs à l'égard d'un élève et le harcèlement sont des phénomènes qui s'alimentent réciproquement, dans l'établissement et en ligne. A partir d'une enquête ethnographique menée dans quatre collèges franciliens ; d'une nethnographie sur Snapchat et Instagram ; d’un questionnaire transmis en ligne aux élèves, ainsi que de l'analyse secondaire, sous R, des enquêtes MENJVA-DEPP (2013 & 2017), j'analyse les prises de risques réputationnels des collégiens. Les réputations sont un repère relationnel dans un climat général de méfiance. Le genre et l'âge influencent particulièrement l'image renvoyée aux autres. Ils suscitent, plus ou moins consciemment, des moqueries et autres violences. Parfois, certains élèves décident de « faire une réputation » pour se venger ou obtenir un privilège relationnel. Ces initiatives sont d'autant plus accessibles, que les réseaux sociaux incitent à l'échange désinhibé et en images, tout en permettant de diffuser des « dossiers » qui servent de preuves aux rumeurs. Bien que le harcèlement soit devenu un problème social, les équipes éducatives peinent à le repérer et à le prendre en charge. Ils manquent de disponibilité, de recours légaux et techniques concrètes. La priorité donnée à la sanction agit au détriment d'un travail d’apaisement des relations entre élèves.