24 octobre 2022
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Renaud Mallet, « Humanitas et vie phénoménologique absolue : l'être humain dans la philosophie de Michel Henry », HAL-SHS : philosophie, ID : 10670/1.o18hvr
Dans quelle mesure peut-on développer à partir de l’ontologie henryenne une anthropologie philosophique ? Le concept d’humanitas se présente dans l’œuvre de Michel Henry comme un concept déterminant, quoique insuffisamment déterminé ; de sorte que cette œuvre se trouve motivée et structurée en chacun de ses moments par une anthropologie potentielle. En épurant, en ordonnant, et en explicitant, ce qui s’initie et se développe progressivement dans le corpus henryen, cette thèse se propose de rejoindre – i.e. de répéter et de prolonger – le mouvement d’actualisation du potentiel théorique qui se concentre dans la formule : « L’homme est un vivant dans la Vie ». A l’aune du concept de vie phénoménologique absolue, elle vise à accomplir une genèse transcendantale de notre humanitas en deux moments. Une première partie, étayée sur le thème de la duplicité de l’apparaître, cherche à tracer et à définir, en deçà du plan empirico-transcendantal à la surface duquel le monisme ontologique situe l’être humain, le plan radicalement immanent où se déploient les déterminations premières et fondamentales du concept henryen d’humanitas – plan invisible dont les coordonnées principales sont la réalité, la phénoménalité, l’affectivité, et l’ipséité. Elle revient à se demander ce que signifie être vivant pour l’être humain, s’il est vrai que la vie se définit comme auto-affection. La seconde partie, se mouvant sur le plan ainsi pré-tracé et pré-défini, et s’appuyant alors sur les thèmes de la Corpspropriation et de l’In-carnation, s’emploie à décrire un ensemble de déterminations secondaires et spécifiques qui assurent une délimitation plus précise du concept d’humanitas. Elle s’efforce de dire ce que signifie être humain pour un vivant, s’il est vrai qu’en l’homme la vie s’auto-affecte d’une manière particulière. A la faveur de ce progrès, la description initiale de notre humanité, essentiellement centrée sur la relation immédiate et pathétique définissant un soi et la substance charnelle d’une auto-affection, peut alors s’enrichir d’une prise en compte expresse de la relation au monde et à Dieu permettant de spécifier le soi propre à l’homme, la modalité humaine de la chair et de son auto-affection. La définition phénoménologique de l’être humain comme être-en-vie trouve ainsi les conditions de son affinement dans la caractérisation de celui-ci comme vivant-au-monde et vivant-fini-dans-la-Vie : d’une part la mise en avant d’un complexe de pouvoirs particuliers déterminant son Je peux – la sensibilité, la motricité, la psychéité et la créativité – sert une caractérisation progressive de l’être humain au sein de l’ensemble des vivants finis ; d’autre part l’élucidation d’un non-pouvoir radical affectant ce Je peux – sa nativité – permet sa différenciation d’avec la Vie infinie. De sorte que la perspective ontologique uni-dimensionnelle, rabattant l’être de l’homme sur le seul plan de l’essence vitale immanente, trouve à se déployer et à s’approfondir en une approche multi-dimensionnelle plus proprement anthropologique, mettant en évidence, dans l’immanence de la chair du vivant humain, un ensemble de strates architectoniques d’existence (ses dimensions naturelle, organique, symbolique, spirituelle, religieuse, intersubjective, morale). Ainsi, au prisme d’une double épreuve : l’épreuve pour l’anthropologie d’une problématique ontologique radicale fondée sur un acosmisme décrivant l’essence pure de la vie absolue, et l’épreuve pour cette ontologie d’un questionnement anthropologique précis obligeant à prendre en compte le caractère le plus concret de l’existence humaine, se dégage une conception consistante de notre humanité en laquelle se noue une relation étroite entre un (certain) réalisme et un (certain) humanisme, dessinant la figure singulière de ce qui n’a pas encore de nom et qui pourrait peut-être recevoir celui d’archihumanisme.