Parler « droits humains » et plaider pour la réforme de la « gouvernance sécuritaire » au Maroc: une transnationalisation des savoirs au service de la construction du dialogue « consensuel » entre acteurs associatifs, intergouvernementaux et étatiques

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3 juillet 2023

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Irene Lizzola, « Parler « droits humains » et plaider pour la réforme de la « gouvernance sécuritaire » au Maroc: une transnationalisation des savoirs au service de la construction du dialogue « consensuel » entre acteurs associatifs, intergouvernementaux et étatiques », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.o3ixyl


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A partir d’une enquête de terrain réalisée au Maroc entre 2019 et 2021, à la fois à distance, en période de crise sanitaire, et sur place, dans les villes de Rabat et Casablanca, pour une durée discontinue de sept mois, nous étudions les discours et les pratiques d’acteurs associatifs (ONG), intergouvernementaux et institutionnels (ministères, directions des établissements pénitentiaires), marocains et étrangers, impliqués dans la réalisation de projets de partenariat portant sur l’échange de « bonnes pratiques » et sur la mise en circulation de savoirs de réforme portant sur l’établissement d’une « gouvernance sécuritaire » respectueuse des droits humains.Présenté comme étant un enjeu technique nécessitant une expertise spécifique, managériale, « apolitique » (Guilhot, 2001b), la réforme de la « gouvernance sécuritaire » est analysée dans les termes de la transnationalisation et de la technocratisation de l’enjeu. Ces deux phénomènes se réalisent via la mise en circulation de catégories floues (ex. « gouvernance sécuritaire », « gouvernance du secteur de la sécurité ») qui, tout étant fabriquées à l’échelle d’acteurs intergouvernementaux, sont reprises et réinterprétées de manière située.Si, d’un côté, le lexique réformiste axé sur les droits humains, référence partagée par les acteurs associatifs et institutionnels, sert la cause de la promotion de l’« engagement dépolitisé » (N’Diaye, Noûs et Vairel, 2021) et de la construction institutionnelle d’une « apparence libérale » (Dupret et Ferrié, 2011), de l’autre, il constitue un outil dans les mains d’acteurs non gouvernementaux internationalisés qui questionnent l’ordre établi en construisant un espace de confrontation sur une thématique longtemps exclue du débat public au Maroc.Le matériel issu de notre enquête de terrain, tiré d’observations, de sources écrites et audiovisuelles, ainsi que d’entretiens semi-directifs réalisés avec les différents acteurs susmentionnés, fait l’objet d’une analyse qualitative mobilisant des approches praxéologiques (Dupret et Ferrié, 2011 ; Leudar et Nekvapil, 2002), l’analyse de discours (Cussò et Gobin, 2008) et celle des catégorisations d’appartenance produites par les acteurs en situation (Jayyusi, 1984).Qu’est-ce qu’une lecture praxéologique de la circulation des savoirs de réforme nous permet de dire relativement à leur genèse, aux dynamiques de mise en circulation des répertoires normatifs, ainsi qu’à la construction du dialogue « consensuel » entre acteurs associatifs, intergouvernementaux et institutionnels marocains autour d’un enjeu politiquement « sensible » ? L’analyse fine des interactions entre ces différentes catégories d’acteurs nous permettra de relever du poids spécifique des acteurs internationaux dans le « formatage » du traitement des causes, poids qui fait l’objet de renégociations continues. De ce point de vue, nous nous inscrivons dans la continuité des approches adoptées par Siméant et Pommerolle (2008), Déforge (2019) et Kébaili (2019), qui, tout en soulignant la nécessité de « localiser » les terrains de l’international, ont mis en lumière la nécessité de revenir à l’étude des négociations situées, des adaptations et des réinterprétations contextualisées des « modèles » fabriqués à l’international et réélaborés in situ.La perspective choisie, axée sur la production située des pratiques et des circulations normatives, vise à rendre compte de la construction localisée de la pertinence des références aux « bonnes pratiques » transnationales et internationales. Cette production localisée, qui se donne à voir à travers les interactions entre les acteurs, permet de décrire les stratégies discursives et pratiques engagées par ces derniers pour construire l’« audibilité » de la cause et du discours réformiste, telle qu’elle s’élabore dans l’interaction avec les partenaires institutionnels et intergouvernementaux. Bibliographie :Cheynis, É. (2016). Les pionniers de la participation au Maroc. Espace de reclassement et constitution d’un savoir autonome. Participations, 14, 37-59. Cussó, R., & et Gobin, C. (2008). Du discours politique au discours expert : le changement politique mis hors débat ?. Mots. Les langages du politique (88). Deforge, Q. (2019). Une expertise internationale sans « bonnes pratiques » : soutenir la professionnalisation du travail parlementaire dans la Tunisie d’après 2011. Critique internationale, 83, 127-145. Dupret, B. & Ferrié, J. (2011). Réforme par le droit et société civile. In Bozzo, A. (éd.) Les sociétés civiles dans le monde musulman. Paris: La Découverte. Ferrié, J. & Dupret, B. (2011). La nouvelle architecture constitutionnelle et les trois désamorçages de la vie politique marocaine. Confluences Méditerranée, 78, 25-34. Guilhot, N. (2001b). Les professionnels de la démocratie: Logiques militantes et logiques savantes dans le nouvel internationalisme américain. Actes de la recherche en sciences sociales, 139(4), 53–65. Jayyusi, L. (1984). Categorization and the Moral Order (Routledge Revivals) (1st ed.). Routledge. Kebaïli, S. (2019). Des réseaux informels à la managérialisation : une association de femmes dans la Tunisie (post) révolutionnaire. Ethnologie française, 49, 311-322. N’Diaye, M., Noûs, C. & Vairel, F. (2021). Une affaire de succès et d’échec : Comprendre les trajectoires de réforme du statut juridique des femmes au Maroc et au Sénégal. Gouvernement et action publique, OL10, 9-33. O. Nay, M. Louis, & D. Lagrange (2021) (Eds.), Le tournant social des organisations internationales. L’ouverture du système multilatéral aux acteurs non gouvernementaux (pp. 11–36). Presses Universitaires de Rennes.Pommerolle, M.-E., & Vairel, F. (2009). S’engager en situation de contrainte. Genèses, 77(4), 2–6. Siméant, J. (2012). Localiser le terrain de l’international. Politix, 100(4), 129–147. Vairel, F. (2014). Politique et mouvements sociaux au Maroc. La révolution désamorcée ? (Presses de Sciences Po).

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