1 janvier 2003
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Jean-Paul Schaer, « La dérive des continents, son accueil à Neuchâtel et parmi les géologues alpins », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.o4p4lk
Au début du XX e siècle, la grande majorité des géologues admettent que la Terre se refroidit et que, sous l'effet de la contraction, sa croûte se plisse en formant les chaînes de montagnes. Celles-ci prennent naissance dans les géosynclinaux, des zones déprimées,également associées aux effets de la contraction. En 1912, le météorologue Alfred Wegener propose que les chaînes de montagnes résultent d'affrontements entre continents flottant et dérivant sur les roches plus denses de la profondeur. Il justifie sa proposition par des arguments géophysiques, morphologiques, et paléoclimatologiques. Dès 1915, Emile Argand se rallie à cette théorie. Dans La Tectonique de l'Asie, il montre tout le potentiel que l'analyse géométrique des ensembles continentaux apporte pour reconstituer les déplacements. Les géosynclinaux ne sont pas associés à la contraction mais résultent d'une extension. Argand reprend quelques arguments géophysiques de Wegener mais estime que l'amélioration des connaissances dans ces domaines repose encore sur l'analyse de la géométrie. Le possible apport de la physique est l'affaire du futur. Dans la petite université de Neuchâtel où il enseigne, en chercheur solitaire, Argand n'a,semble-il, jamais encouragé les quelques élèves qui ont tenté de prolonger son message.Peut-être fatigué par l'effort de La Tectonique de l'Asie, il ne soutient pas ces contributions,dont certaines s'inscrivent pourtant dans l'optique de sa pensée novatrice. Comme celle-ci,elles seront ignorées de la communauté scientifique, d'autant plus que leurs auteurs s'orienteront, par la suite, vers d'autres domaines. De La Tectonique de l'Asie, les géologues alpins retiennent surtout le message classique,mais ils en ignorent les propositions les plus audacieuses dont certaines annoncent pourtant les théories futures. Ils sont persuadés que la connaissance des chaînes de montagnes dépend avant tout d'une cartographie précise et d'un étroit contact avec les roches. Ils se montrent très réservés face aux apports que la géophysique peut apporter à leurs problèmes,surtout lorsque ceux-ci proviennent de recherches pratiquées en mer. Ces attitudes expliquent les réticences que ces milieux ont éprouvées face à la tectonique des plaques.