24 juin 2024
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Maxime Launay, « « Biribi en Savoie » : la fin du dernier bagne de l’armée française (Fort d’Aiton, 1972) », Histoire Politique, ID : 10670/1.o963rf
Bien des lignes ont été écrites sur l’histoire des bagnes que l’armée française avait organisés en Afrique du Nord pour punir les « fortes têtes » entre 1830 et 1962. On sait moins que le dernier avatar de cet « archipel punitif », analysé par Dominique Kalifa dans son ouvrage Biribi, se trouvait en Savoie et qu’il n’a fermé qu’en 1972. Pendant dix ans, c’est dans un fort discret et austère, à Aiton, que sont enfermés par mesure disciplinaire les hommes du rang des trois armées. Un régime d’exception y a cours : hérité du temps des colonies, il trahit un mépris de la dignité humaine. Cet article se propose de comprendre comment, dans le contexte de l’après Mai 68, le pénitencier militaire du fort d’Aiton devient un lieu politique. Les soldats qui y sont envoyés, qu’ils soient condamnés par un tribunal ou sanctionnés sur le plan disciplinaire, constituent aux yeux de l’administration un danger pour la valeur morale du corps de troupe. Cependant, la mise à l’agenda de l’armée et de sa juridiction d’exception comme « problème public » au début des années 1970 incite la société à jeter un autre regard sur cette institution disciplinaire devenue scandaleuse, l’inscrivant dans un combat séculaire contre les procédures d’exception. Cette mobilisation conduit in fine à la fin du dernier bagne de l’armée française en 1972.