Benjamin Constant et Germaine de Staël: Infortunes de l’amour et sacralité de la liberté

Résumé Fr

Le « couple » formé par Germaine de Staël (1766-1817) et Benjamin Constant (1767-1830) est resté célèbre parce qu’il appartient à la fois à l’histoire littéraire et à l’histoire politique de la France, même s’il occupe une place modeste dans le panthéon amoureux de la littérature française. Mme de Staël a laissé le souvenir d’une femme brillante dont la vie amoureuse semble beaucoup trop riche pour être vraiment prise au sérieux, et Constant reste prisonnier de l’image de l’« inconstant Benjamin » qui semble suggérée par la diversité de ses engagements politiques et par le caractère hésitant et versatile qu’il a prêté au héros de son principal roman, Adolphe. Reste le souvenir d’une collaboration intellectuelle féconde, qui commence après Thermidor pour se prolonger dans le cénacle de Coppet et dont aucune querelle n’effacera la trace, comme le montre la très belle notice que Constant consacre à Mme de Staël dans ses Mélanges de littérature et de politique de 1829. On aurait tort, cependant, de négliger ce que leurs œuvres et leurs engagements respectifs doivent à une relation qui, au-delà des péripéties politiques, illustre merveilleusement les mutations en profondeur que vont connaître les sociétés modernes après la fin des anciens régimes européens.Lorsque Benjamin Constant « entre en scène » dans le petit monde de Germaine de Staël, l’un et l’autre ont suffisamment vécu pour que leur caractère soit déjà formé. La relation qui s’établit entre eux en 1794 est d’emblée asymétrique et profondément inégalitaire, mais elle est en quelque sorte l’inverse de celle qu’ils entretiendront plus tard à Coppet…