2005
Cairn
Frédérique Guérin, « Tadjikistan 2004 : La fin d'une exception en Asie centrale ? », Le Courrier des pays de l'Est, ID : 10670/1.oab2wt
Ce pays a connu une trajectoire singulière, si on le compare à ses voisins. La fin de la guerre civile de 1992-1997 ayant débouché sur un compromis entre anciens communistes, démocrates et islamiques, le pays connut alors une ère de relatives tolérance et liberté, non négligeables au regard des pratiques dans la région. Mais peu à peu, l’autoritarisme semble reprendre le dessus et le partage des responsabilités, prévu par les accords de paix, réduit à une peau de chagrin. En effet, en 2004, le président Rakhmonov n’a eu de cesse d’écarter ses concurrents potentiels, y compris parmi ceux, pour la plupart d’anciens chefs de guerre et de clan, qui l’avaient soutenu. Destitutions et arrestations d’hommes au pouvoir, qui s’étaient, au passage, fortement enrichis et sont toujours à la tête de troupes armées, se sont alors multipliées, alors que l’opposition et la presse faisaient l’objet de mesures de répression. Un régime présidentiel autoritaire est ainsi en train de se mettre en place, soutenu par Moscou, qui n’entend pas voir sa présence économique (notamment dans la production d’électricité) et militaire menacée dans cette région. Par ailleurs, la réaffirmation par le Président du choix de la laïcité est aussi un moyen de faire pièce à l’opposition islamique, accusée de menées anti-étatiques au travers des structures qui n’ont souvent de religieux que le nom. Mais les petits partis démocratiques sont aussi une cible du pouvoir : il faudra verser désormais 500 dollars pour être candidat aux élections. Les deux piliers de l’économie restent l’aluminium et le coton, et la croissance du PIB serait de 10,2 %. Tributaire de la Russie et de l’Ouzbékistan pour ses importations, le Tadjikistan se tourne pour exporter (hors ex-URSS) vers la Turquie et les Pays-Bas, en attendant une coopération régionale, toujours en panne. La population est l’une des plus mal loties du monde, 70 % des habitants vivant avec un peu plus de 2 dollars par jour, malgré l’aide internationale visant à la réduction de la pauvreté. Des apports financiers, équivalant au PIB national, proviennent néanmoins des transferts, par des canaux informels, des 600000 à 1million de travailleurs émigrés, surtout en Russie, ce qui profite à la consommation, mais pas du tout à l’investissement.