2023
Cairn
Derrick Bell et al., « Acquiescement silencieux : Le prix trop élevé du prestige : Extraits », Raisons politiques, ID : 10670/1.ojv08p
Derrick Albert Bell Jr (1930-2011) est considéré1 comme l’un des – sinon le – fondateurs des Critical Race Theories (CRT) bien qu’il ne se soit jamais présenté comme tel. Si la réception des CRT s’est opérée en France par le biais des études de genre et des sciences sociales, notamment par le travail de Kimberlé W. Crenshaw sur l’intersectionnalité, l’apport de Derrick Bell est relativement resté dans l’ombre. Après avoir milité au NAACP (National Association for the Advancement of Color People), il est le premier Africain-Américain à bénéficier d’une titularisation à la Harvard Law School en 1969. Alors que l’arrêt Brown Board v. Education de 1954 – généralement présenté comme la première décision phare mettant fin à la ségrégation raciale – fut considéré en son temps comme une victoire par une large partie du mouvement sur les droits civiques, Derrick Bell fut l’un des rares juristes à porter un regard sceptique sur la fin du mouvement. Il doute que le système juridique parvienne, à lui seul, à transformer des institutions – dont l’université – profondément façonnées par le racisme et la ségrégation. Au sein de la faculté de droit de Harvard, Derrick Bell se bat pour faire entendre la nécessité d’ouvrir l’accès du corps enseignant aux Noirs et aux minorités (ethniques et de genre) plus largement. C’est ce combat mené pendant une vingtaine d’années sur lequel il revient dans le livre Confronting Authority. Reflections of an Ardent Protester (1994) dont est extrait le texte traduit ici. À travers les colères, les désillusions et un profond pessimisme se révèlent en creux la marginalité et l’isolement politique d’un universitaire noir d’une université d’élite dans l’Amérique post-ségrégationniste. Cette position spécifique s’y présente autant comme une source de résistance à l’injustice raciale que comme la source d’un engagement actif.