Marc Bernardot, « L’architexte liquide du travail numérisé », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.ol70jg
Les transformations des mondes du travail sous l’effet des technologies numériques sont souvent décrites en établissant des analogies entre le travail et les liquides, les fluides ou les univers aquatiques et hydrauliques. Nous cherchons ici à mettre en évidence ce que ces modèles métaphoriques et ce champ sémantique de la liquidité expriment des mutations contemporaines des professions en nous intéressant en particulier aux processus de production et d’extraction de ressources et de valeur, d’une part, et aux dispositifs d’apprentissage, de collaboration et de création, d’autre part. La métaphore est une forme rhétorique usuelle de transposition des qualités d’un objet ou d’un être vers un autre. Elle constitue un outil de simplification et de persuasion ainsi qu’un instrument pédagogique permettant de rendre intelligibles au plus grand nombre de personnes des phénomènes complexes ou intangibles. Elle fournit par ailleurs des moyens de conceptualisation et des «machines théoriques», pour les sciences en général et plus précisément dans les sciences sociales, qui facilitent la circulation des paradigmes théoriques d’une discipline scientifique à l’autre. À partir d’un corpus de textes scientifiques et de supports iconographiques contemporains, nous nous proposons de suivre la piste des métaphores associant le travail, le numérique et les éléments liquides en considérant, dans la lignée des anthropologues de la mondialisation, que cette méthode permet d’appréhender des phénomènes multisitués, voire changeant en mutation accélérée, et plus singulièrement des processus de substitution de situations «liquides» à des dispositifs «solides».