5 septembre 2016
Dominique Andolfatto, « Construire l'Europe des partis », HAL-SHS : sciences politiques, ID : 10670/1.om0dd2
Lors des élections européennes de 2014, le grand public a sans doute découvert l’existence d’organisations méconnues : les « partis politiques au niveau européen ». Si elle est leur dénomination juridique, on parle plus communément des « europartis ». En effet, à l’occasion du scrutin de mai 2014, une sorte de nouvelle motivation du vote – pour tenter de faire chuter un taux d’abstention qui a dangereusement augmenté à ces élections – a été mise en avant. Il a été expliqué que, désormais, il était d’autant plus important de participer à la désignation des membres du Parlement européen que celui-ci allait peser de façon décisive sur le choix du futur président de la Commission européenne. C’est une conséquence en effet du Traité de Lisbonne (2007). Cette nouvelle procédure de désignation du président de la Commission – a priori basé sur le suffrage populaire – a donc fait l’objet d’une forte médiatisation, soulignant le poids politique du Parlement européen, et de ses électeurs, au sein de l’Union européenne.Si le débat quant à la légitimité démocratique du Parlement européen paraît toutefois loin d’être tranché, ce sont bien ces nouvelles modalités de désignation du président de la Commission – qui tendent à présidentialiser les élections au Parlement européen – qui ont sensibiisé l'opinion à l’existence des europartis. Car, fort de ce qui serait une compétence politique renforcée du Parlement européen, les europartis vont donc chercher à personnaliser leur campagne électorale respective, et à travers cette personnalisation à transnationaliser ou à européaniser de façon très volontariste la campagne électorale. Ce contexte n’est pas sans rappeler la façon de faire la politique et de distribuer le pouvoir dans différentes démocraties parlementaires européennes, tels le Royaume Uni ou l’Italie en particulier, où le parti arrivé en tête aux élections voit son chef devenir chef de l’exécutif.Plus précisément, cinq europartis ont mis l’accent sur leurs candidats à la présidence de la Commission européenne et du coup cherché à donner une coloration partisane plus européenne à une campagne étroitement insérée habituellement dans des contextes partisans nationaux :- le PPE (Parti populaire européen), formation de droite et centre-droit, qui disposait d’une majorité relative au sein du parlement sortant ;- le PSE (Parti des socialistes européens) ;- les libéraux (et centristes) de l’ALDE (Alliance des libéraux et démocrates européens) ;- le PGE (Parti de la gauche européenne), qui intègre notamment le Front de gauche français et le parti allemand Die Linke (La gauche) ;- enfin le PVE (Parti vert européen) qui a même organisé une primaire en ligne, ouverte à tous les « sympathisants écologistes » en Europe pour désigner son candidat.Après avoir analysé comment les europartis se sont donc mis en scène dans le contexte des élections européennes de 2014, ce chapitre cherche à repérer et à définir plus précisément ce que sont les europartis, évoque leur rapport à la notion de démocratie, décrypte quel vecteur ils seraient de celle-ci en Europe mais aussi comment ils s'organisent.