30 septembre 2023
http://hal.archives-ouvertes.fr/licences/etalab/ , info:eu-repo/semantics/OpenAccess
Héloïse Koehler et al., « Nouvelle évaluation du Paléolithique inférieur et moyen des carrières d'Achenheim », HAL-SHS : archéologie, ID : 10670/1.oogw1z
Au cours de leur exploitation, les carrières d'Achenheim et d’Hangenbieten (Alsace, France) ont permis l'accès à une séquence de loess exceptionnelle, totalisant plus de 40 m d'épaisseur et couvrant au moins quatre cycles glaciaires-interglaciaires. Dès 1914, E. Schumacher identifie une trentaine d'unités stratigraphiques, au sein desquelles, pendant près d'un siècle, seront mis au jour de nombreux restes archéologiques, tant fauniques que lithiques. L’importance de cette séquence a suscité l’intérêt de nombreux chercheurs, français, belges, suisses et allemands qui ont mené plusieurs études pluridisciplinaires, notamment environnementales et stratigraphiques durant plusieurs décennies de la fin du xxe siècle. Néanmoins, il ne résulte de ces études publiées tantôt en français, tantôt en allemand, tantôt en anglais, aucune synthèse exhaustive ni aucun schéma détaillé excepté une vision synthétique des cycles glaciaire-interglaciaire. Il est ainsi difficile d’avoir une lecture globale de la stratigraphie.De plus, les objets archéologiques ont fait l’objet d’études assez anciennes et méritent d’être réexaminés à l’aune des connaissances actuelles, d’autant plus que leur mode de collecte est éloigné des standards modernes. En effet, excepté deux niveaux ayant fait l'objet de fouilles approfondies, le reste de la collection a été collecté au gré de l’exploitation des carrières, le plus souvent par les ouvriers, mais néanmoins avec un suivi stratigraphique permettant de positionner les objets au sein des ensembles sédimentaires. Il convient ainsi de s’interroger sur la fiabilité de cet ensemble archéologique, afin de savoir quelles informations peuvent en être raisonnablement exploitées. La première question porte sur la validité du positionnement des objets aux bons ensembles sédimentaires. La seconde sur la corrélation des ensembles sédimentaires à une chronostratigraphie précise, permettant alors de les comparer ensuite à d’autres ensembles bien calés des régions voisines. Ces questions sont d’autant plus importantes que le site d’Achenheim se situe dans une région globalement pauvre en sites paléolithiques. Cette lacune archéologique observée dans tout le Rhin supérieur limite toute étude de la dynamique de peuplement à l’échelle européenne.Dans cet article, nous nous concentrons sur les vestiges lithiques du Paléolithique inférieur et moyen, qui ont fait l'objet d'un réexamen détaillé. Une étude technologique et pétrographique a notamment été réalisée sur les objets de la collection Wernert, représentant un corpus de 860 objets inégalement répartis au sein de plus de 21 unités sédimentaires. Toutes les mentions stratigraphiques rattachées aux objets archéologiques ont été réexaminées et il s’avère que la plupart des objets sont bien attribués à une unité sédimentaire précise. En parallèle, le positionnement chronostratigraphique de ces ensembles sédimentaires a été soigneusement questionné, en combinant toutes les données disponibles dispersées dans la littérature concernant les carrières les plus anciennes qui ne sont plus accessibles. Les caractéristiques paléoenvironnementalesont ainsi été scrupuleusement vérifiées en les comparant notamment aux données disponibles au sein de séquences plus récentes. Suite à ce travail, il a été possible de confirmer ou proposer des rattachements de la plupart des unités sédimentaires à des stades isotopiques marins et ainsi repositionner les ensembles archéologiques dans uncadre chronostratigraphique global, facilitant leur confrontation aux autres sites disponibles de part et d’autre du Rhin. Le croisement des données archéologiques de ce site avec les découvertes les plus récentes, tant en Alsace qu'ailleurs dans le nord-ouest et le centre de l'Europe, permet de démontrer que l'industrie lithique, quoique largement incomplète, peut être considérée comme un échantillon cohérent pour porter un regard nouveau sur la succession des cultures lithiques des premiers peuplements dans la région du Rhin supérieur. Les diverses manifestations techniques identifiées à Achenheim semblent s'inscrire dans l'évolution techno-typologique globale observée pour le Pléistocène moyen et supérieur, tantôt d'Europe du Nord-Ouest, tantôt d'Europe centrale.