14 février 2019
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Mathias Naudin et al., « La dimension perverse du management », HAL-SHS : sociologie, ID : 10.3917/rips1.059.0107
Alors que de nombreux auteurs observent dans notre société le passage de modes relationnels névrotiques à des modes relationnels de nature perverse, notre objet est d’observer de quelle manière le management, dans son essence comme dans ses effets, comporte une dimension perverse. A cette fin, en croisant des longues observations sur le terrain et une revue de littérature critique, nous cherchons à établir les principales caractéristiques du management (finalités, fondements, piliers). Sur la dimension perverse, nous nous intéressons essentiellement à ce qui fonde la perversion dans sa dynamique relationnelle (en insistant sur le besoin de réifier l’autre et de jouir de sa déchéance) et la manière dont il peut s’inscrire dans un champ social. Le management passé au crible de cette grille de lecture laisse apparaître de nombreuses dimensions perverses : il apparaît comme un fétiche idéologique qui catalyse les tendances sociales perverses, pervertit les cadres institutionnels, alors que les procédures et dynamiques qui le fondent et l’expriment reproduisent un fonctionnement typiquement pervers (illusion de toute puissance, séduction narcissique, modification et renversement des règles et du cadre du jeu social, notamment par la négation de la subjectivité des individus qui est par ailleurs captée, normalisée et instrumentalisée ; détournement des instances intrapsychiques et des identifications par l’imposition d’impératifs managériaux et la dissolution de la subjectivité, déploiement de scripts dévitalisés et de procédures sans sujet ou encore l’évacuation de la conflictualité et de la pensée). En définitive, par essence comme dans ses effets, le management favorise l’émergence de noyaux psychiques pervers chez les sujets et, sur un plan adaptatif, des modes de défense pervers individuels et collectifs. En d’autres termes, le management favorise les pervers et les comportements pervers, notamment parce qu’ils sont devenus socialement efficaces.