Les fictions jurisprudentielles en droit administratif : une dénégation de l’évidence

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2024

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Noëllie Van Hoorde, « Les fictions jurisprudentielles en droit administratif : une dénégation de l’évidence », Civitas Europa, ID : 10670/1.p4eolv


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Définir l’évidence n’est pas chose aisée, mais si l’on se réfère aux dictionnaires de la langue française, elle est le « caractère de ce qui s'impose à l'esprit avec une telle force qu'on n'a besoin d'aucune autre preuve pour en connaître la vérité, la réalité ». Par conséquent, l’évidence « sauterait aux yeux » et serait ainsi la marque de la vérité. Or, précisément, dans tout système de droit, cette notion de « vérité » occupe une place absolument fondamentale, dans la mesure où les juges sont en principe guidés par l’exactitude et la véracité des faits. Pour autant, alors même que le droit est par essence empreint de vérité, il contient également des mécanismes dits « fictionnels » par lesquels les juges nient, voire falsifient la vérité factuelle. Les fictions jurisprudentielles sont donc des négations de la réalité. Encore faut-il se questionner sur la réalité de référence. À cet égard, la doctrine s’est opposée quant au point de savoir si la réalité qui était bafouée était une réalité factuelle, naturelle, ou au contraire une réalité juridique, empirique. Indépendamment de cette divergence doctrinale, un point commun unit les fictions jurisprudentielles : elles sont des négations intentionnelle et conventionnelle de la réalité. Ainsi, tant l’auteur que le destinataire de la fiction a connaissance de cette manipulation de la vérité. En cela, les fictions jurisprudentielles doivent être distinguées d’autres mécanismes juridiques qui méconnaissent la réalité, tels que l’analogie, la présomption simple ou encore le mensonge. Les fictions jurisprudentielles sont utilisées par le juge à la fois dans son activité juridictionnelle mais également dans sa fonction jurisprudentielle, que ce soit au stade de l’exercice de la qualification juridique des faits, de l’interprétation de la règle de droit ou encore dans les motifs de sa décision. En raison de l’introduction d’une dénégation de la vérité dans l’ordonnancement juridique, ces mécanismes fictionnels ont fait l’objet de vives critiques de la part d’auteurs qui dénonçaient leur dangerosité ou leur inutilité. Néanmoins, il nous semble que ces fictions sont légitimes au regard des fonctions qui leur sont classiquement assignées. D’une part, les fonctions pratiques permettent tout à la fois d’adapter le droit aux nouvelles exigences sociales et de combler les lacunes textuelles. D’autre part, les fonctions dogmatiques permettent d’expliquer et de systématiser des règles éparses en vue d’élaborer un système cohérent.

Defining obviousness is no easy feat, but French dictionaries define it as the “the fact of being so clear to the mind that there is no need for any other proof to know that it is true or real”. Consequently, obviousness cannot “escape one’s attention” and is therefore the sign of truth. Yet, in every legal system, this notion of truth plays an absolutely fundamental role, to the extent that judges, as a rule, are guided by the accuracy and truth of facts. But, although law is by essence imbued with truth, it also includes “fiction” mechanisms, by which judges deny or falsify the factual truth. As such, legal fictions are denials of reality. Yet, one must question the reference reality. In this respect, doctrine has been divided on the matter of determining whether the reality being overridden is a factual, natural reality or, conversely, a legal and empirical reality. Regardless of this diverging doctrine, one commonality unites all legal fictions: they are intentional and conventional denials of reality. Thus, both the person creating the fiction and the person targeted by the fiction are aware of this manipulation of the truth. For this reason, legal fictions must be distinguished from other legal mechanisms which ignore reality, such as analogies, rebuttable presumptions and lies. Legal fictions are used by judges both as part of their court activity but also as part of their jurisprudential role, whether when performing a legal classification of the facts, interpreting the rule of law or providing grounds for their decision. Due to the way they introduce a denial of the truth in the legal system, these fiction mechanisms have been the subject of strong criticism from authors who denounce their dangerousness or uselessness. Nonetheless, we find that these fictions are legitimate in light of the roles they are traditionally assigned. On the one hand, their practical functions allow to both adapt law to new social requirements and to counteract any textual shortcomings. On the other, their dogmatic functions explain and systematise the few existing rules to establish a coherent system.

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