2015
Cairn
Tristan Bruslé, « Habiter un camp de travailleurs. Appropriation, usages et valeurs du dortoir en milieu contraint », Annales de géographie, ID : 10670/1.p5dqdp
Le fonctionnement des économies des pays du Golfe repose sur le travail des étrangers, qui forment 85 % de la population au Qatar. Parmi ceux-ci, une grande partie des migrants peu payés sont logés dans des camps de travailleurs ( labour camp), une forme de « logement contraint » (Bernardot, 2007) correspondant à une gestion spatiale de la main-d'œuvre basée sur des stéréotypes ethniques et sociaux. Les migrants, principalement sud-asiatiques, sont ainsi logés à la périphérie des villes, dans les zones industrielles où sont situés les camps de travailleurs, un dispositif au cœur de la politique migratoire. Dans un contexte contraint, où l’enfermement signifie surtout une impossibilité de se mouvoir hors des zones industrielles, les hommes parviennent néanmoins à habiter leur dortoir. Ils « font avec » les contraintes institutionnelles en employant les tactiques et bricolages que les faibles ont à leur disposition (De Certeau, 1990). Les dortoirs, lieux de vie principaux hors du travail, sont l’objet d’appropriations fines mais indispensables, qui forment autant de micro-résistances à la dépersonnalisation des migrants. Mais le repli sur le dortoir correspond aussi au souhait des autorités de nier toute ambition politique aux migrants considérés comme de passage.