L'opposition doctrinale comme questionnement des frontières de la discipline. L'exemple de l'anthropologie du droit.

Résumé Fr

La « doctrine juridique », c'est-à-dire l'institution regroupant le discours des représentants de la science juridique, a un rôle de critique, de remise en perspective du Droit dans son contenu et dans son articulation dans des systèmes de droit plus larges. Ce rôle est assumé en grande partie par la mise en oeuvre de « l'opposition doctrinale », qu'on peut aussi appeler « controverse scientifique ». Il s'agit d'un dialogue sur le contenu du discours scientifique juridique, qu'il soit axé sur des considérations de technicité juridique ou conceptuelles, à partir duquel plusieurs positions s'élaborent les unes par rapport aux autres. C'est le coeur du métier du chercheur. Il est généralement entendu en sciences du Droit, que cette élaboration théorique « d'opposition » ne dépasse pas le cadre de la discipline, c'est-à-dire, partage non seulement le même objet mais aussi les mêmes méthodes conformément à la définition la plus couramment employée de la discipline. L'élaboration de l'anthropologie du Droit que l'on peut considérer comme un « courant doctrinal » de la science juridique est en ce sens tout à fait curieuse puisque si ce courant émerge d'une critique interne de juristes à propos d'autres juristes, il mobilise des outils conceptuels et méthodologiques a priori extérieurs à la science du Droit. Cela vient nous questionner frontalement : dans quelle mesure une opposition doctri-nale peut-elle redéfinir les frontières d'une discipline ? C'est ce à quoi nous allons essayer de répondre ici à partir d'une description de l'itinéraire intellectuel de l'anthropologie du Droit en France. Nous présenterons les principales « oppositions » qui ont constituées le courant d'anthropologie du Droit (I) puis nous nous attellerons à en cerner les conséquences pour notre compréhension du rôle de la doctrine juridique et de la discipline du Droit en général dans sa forme la plus contemporaine (II).