11 janvier 1969
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Μαρία ΣΩΤΗΡΙΟΥ, « L’ École Macédonienne et l'École dite de Miloutine (Pl.1-21) », eJournals, ID : 10670/1.ppidoo
Dans le cadre de l'épanouissement de la renaissance des Paléologues (1290-1325) dont la source créatrice fut Constantinople, le terme «École Macédonienne» bien qu'occupant une place prépondérante par le nombre et l'importance de ses fresques, demeure encore dans une situation fluide. Ses limites géographiques, ses monuments, ses centres créateurs et son rayonnement restent indéterminés, tandis qu'elle n'est pas encore acceptée d'une façon générale. Absence d'une méthode comparative, préjugés, répétition d'opinions erronées rendent difficile toute recherche objective. On remarque ces temps derniers la tendance de séparer et de faire ressortir les monuments serbes dans un effort et les grouper dans une école à part, l'École dite de Miloutine. Cette étude préliminaire se propose de soutenir l'existence d'une École Macédonienne unie qui s'étend dans les régions de la Macédoine serbe et grecque ainsi que dans le Mont-Athos et de poser le problème des centres créateurs et des relations et interdépendances entre Thessalonique, la Serbie et le Mont-Athos. Malgré les lacunes qui existent dans les fresques conservées et l'absence d'éditions complètes de monuments, ce qui rend prématurée toute étude exhaustive, on est en état d'attester l'existence de l'École Macédonienne : 1) Par certaines particularités ou innovations qui se présentent dans l'iconographie de quelques scènes évangéliques, qui la font distinguer de Constantinople et de Mistra. Ainsi dans les monuments de l'École Macédonienne, dans la scène de la N a t i v i t é , l'enfant n'est pas représenté nu dans les bras de Salomé et le paysage est divisé par des courbes qui enserrent les épisodes secondaires. Dans le B a p t ê m e le Christ porte le pagne. La P r é s e n t a t i o n du C h r i s t offre un nouveau schéma de composition avec les trois figures rangées en face de Syméon et la suppression du ciborium. Dans la Cène, le Christ se déplace de l'extrémité gauche dans l'axe. Dans la D e s c e n t e a u x L i m b e s , le caveau plus grand et plus naturel enveloppe le Christ presque en entier et deux anges sont ajoutés en haut. Dans la P r é s e n t a - t i o n de la V i e r g e au T e m p l e , la procession des vierges occupe la place principale au centre et Anne avec Joachim y suivent. Dans la Dorm i t i ο η les compagnes de la Vierge prennent part au cortège à côté des groupes d'hommes. 2) Par l'unité de style. Malgré les variantes qui doivent être attribuées à la personnalité des artistes, cette Ecole est dominée, d'une façon générale, par le caractère plastique-tactile en opposition avec le caractère pictural-illusioniste qui prédomine dans l'art de Constantinople. Comme seule exception notons les mosaïques des Saints-Apôtres de Thessalonique qui suivent Constantinople au point de vue de l'iconographie et du style. 3) Par les ressemblances étroites et les répétitions souvent serviles des scènes entières ou en partie ou bien des figures des saints entre Thessalonique, la Serbie, le Mont-Athos. Quant au problème des centres créateurs, il y a une divergence d'opinions : d'un côté Thessalonique gagne du terrain, de l'autre, la Serbie avec l'Ecole Miloutine est mise en relief. Le Mont-Athos est placé sous la dépendance soit de Thessalonique — par A. Xyngopoulos et dernièrement par V. Lazarev— Radojäic, soit de la Serbie — par Boskovic, Pepek, Hallensleben qui soutiennent que les oeuvres de Michel Astrapas et Eutychios, tels qu'on les voit à Nagoricino ou à Studenica renouvellent l'art serbe et exercent leur influence sur le Mont-Athos. Suivant ces derniers savants ce sont ces deux peintres qui exécutèrent les fresques des églises du Mont-Athos. D'après nous, la dépendance est inverse : les fresques de Nagoricino ont eu pour modèle celles des églises de l'Athos mais sans atteindre leur niveau artistique. Il suffit de comparer la suite des scènes de la Passion de Nagoricino, qui sont considérées comme des oeuvres du meilleur des deux peintres mentionnés avec les mêmes scènes du Mont Athos, pour s'en convaincre. La C è n e de Nagoricino (pi. 1 ) copie tant dans la composition que dans les figures isolées, la même scène du Protaton (pi. 2) mais l'exécution en est rude, les traits réalistes, la draperie dure et confuse. Des différences existent : dans la face courbe de la table, qui prend ainsi un aspect schématique très accusé et dans la place de Judas qui, ajouté de force entre les Apôtres, témoigne de l'incapacité de l'artiste de s'adapter au changement du modèle. La figure du Christ est exactement la même qu'au Protaton mais d'une exécution inférieure, privée de la noblesse, de la majesté et de la spiritualité du modèle ( pi. 3 et 4 ). Dans la scène où J é s u s e x p l i q u e le s e n s du L a v e m e nt d e s p i e d s Nagoricino a pour modèle Vatopédi ( pi. 5 α et 5 β ). Des variantes dans les attitudes du groupe des disciples provoquent une rupture dans l'unité de la composition et détruisent l'expressivité du signe, tandis qu'à Vatopédi, du groupe lié d'une façon rythmique émane l'esprit de méditation par l'enchaînement des attitudes et des airs du visage. L'attitude recueillie de Pierre qui porte la main à la bouche à Vatopédi, se transforme à Nagoricino en une élévation de la main dépourvue de sens, et l'attitude de Jean est calquée sur celle de Jean de la Crucifixion. La T r a h i s o n de J u d a s (pi. 6 a ) , copie Protaton (pi. 6 β ). La tête du Christ, lourde de peine a été remplacée, à Nagoricino, par celle du Christ de la Communion des Apôtres de la même église. Le geste retenu de Judas est loin de celui spontané du Protaton. L'agresseur levant l'épée est une copie fidèle mais maladroite du Protaton, dépourvue du sentiment d'unité entre le corps, le mouvement, l'habit. Le profil du jeune homme qui lève à deux mains la massue ne s'ajuste pas dans l'ensemble. L'attitude est copié de Chilandari et le vêtement retroussé de Vatopédi. Le J u g e m e n t d'A n n e e t d e C a ï p h e (pi. 7 a ) suit Chilandari tant dans la composition que dans les détails de l'iconographie (pi. 7 β ). La peinture de Chilandari, déformée par les repeints, ne permet pas la comparaison de style. Un indice de la copie fidèle est le fait qu'à Nagoricino on répète la place alternativement fausse des inscriptions semblables de deux églises qu'on observe au Protaton. Le J u g e m e n t de P i l a t e (pi. 8 a ) est un mélange d'éléments iconographiques pris au Protaton, à Chilandari et à la scène attenante du Jugement d'Anne. Du point de vue exécution et style, la fresque présente un art provincial, quasi populaire, en comparaison avec la fresque du Protaton, animée du grand souffle de la renaissance ( pi. 8 β ). La D e s c e n t e de C r o i x (pi. 9 a ) imite toutes les figures du Protaton (pi. 9 β ) avec les détails de l'emplacement, des gestes et vêtements à l'exception de la Vierge qui prend la place traditionnelle, à gauche du Christ. Mais cette transposition a déformé le corps du Christ et a brisé le rythme et la limpidité de la composition du Protaton. La M i s e e η C r ο i χ ( pi. 10 α ) est une copie grossière du Protaton (pi. 10 β) avec maintes gaucheries et gestes incohérents pour les figures du Christ et du soldat. De ce parallèle il ressort que les fresques de Nagoricino ne sont pas en rapport avec Constantinople mais dépendent directement de l'Athos d'où elles empruntent leurs modèles et en sont inférieures du point de vue composition et style. Là où le peintre de Nagoricino cherche à innover en évitant la copie servile, il emprunte les détails à d'autres modèles de l'Athos mais sans pouvoir les assimiler, ou bien il revient à des formules toutes faites ou traditionnelles ou encore à des solutions conventionnelles et schématiques. L'opinion souvent répétée, que les artistes de Nagoricino ont exécuté les fresques des églises de l'Athos est à rejeter complètement, vue la différence dans la qualité de l'art: Seul Djuric a mis l'accent sur la supériorité de l'art de Chilandari, en comparaison avec l'art serbe de l'époque de Miloutine mais il a lié Chilandari à Constantinople. La comparaison des figures de Chilandari (pi. 11 et 13 ) avec les figures du Protaton ( pi. 12 et 14) montre ces dernières plus près des réminiscences hellénistiques qui ont inspiré l'art des Paléologues dans la capitale. En dehors de Nagoricino, les autres monuments de la Serbie sont à rapprocher soit avec les équipes de Michel Astrapas et Eutychios, soit avec les différents ateliers de Thessalonique. Studenica passe pour être l'oeuvre des mêmes artistes tandis que la Péribleptos et Saint-Nicétas portent leurs signatures. Mais à Saint-Nicétas l'étude comparative montre que seule une partie des fresques doit leur être attribuée, la plupart de scènes étant en liaison directe avec l'atelier de Saint-Nicolas Orphanos ( pi. 15 et 16). Les meilleures parmi les fresques serbes, celles de l'église de Prisren, (pi. 17, 19 ) exécutées par le « protomaïstor » Astrapas qui n'est pas à identifier avec Michel Astrapas, sont en rapport avec les meilleurs ateliers de Thessalonique, comme ceux de Saints-Apôtres, (pi. 18 ) de Saint-Euthyme et de Saint-Pantéléïmon (pi. 20). Il en est de même de certaines fresques de Zitsa, qui sont probablement des oeuvres du même atelier qui a travaillé à Prisren. L'église d'Arilje prouve la relation du peintre avec Thessalonique par le signe conventionnel ΜΑΡΠΟΥ et celle de Gracanica par le portrait du saint local, l'archevêque Eustathe de Thessalonique. En outre le rare type de la Communion des Apôtres, où les douze Apôtres sont répétés dans ses deux scènes, est à signaler à Sainte - Catherine de Thessalonique (fresque non publiée). En guise de conclusion, on peut soutenir : 1) que la Serbie de l'époque de Miloutine ne fut pas le centre créateur de l'École Macédonienne et qu'il ne peut être question d'une école à part. Ses fresques dépendent des centres grecs avoisinants qui fleurissent à cette même époque, à savoir Thessalonique et le Mont-Athos, d'où ils empruntent les modèles ainsi que les artistes-chefs auxquels s'ajoutent comme aides des artistes locaux. Ainsi le vieux terme «art serbo-byzantin», attribué aux fresques serbes à l'époque de Miloutine, serait plus convenable au lieu du terme récent «École de Miloutine». 2) Le Mont-Athos, si nous en jugeons par les fresques du Protaton et par celles nettoyées de Chilandari ainsi que des parties non repeintes de Vatopédi et du fragment de la Sainte-Laure, apparaît comme un centre important de l'art dans les cadres de l'École Macédonienne, comme il a été le foyer d'un mouvement intellectuel et théologique important du XIVe siècle. 3) Les fresques de l'Athos, d'une haute valeur artistique, ne semblent pas dépendre directement de Thessalonique. Mais ce problème ne pourra être résolu qu'après le nettoyage et l'étude des peintures de l'Athos et de Thessalonique.