13 décembre 2018
https://www.openedition.org/12554 , info:eu-repo/semantics/openAccess
Roberto Rea, « Cavalcanti e l’invenzione del lettore », Presses Sorbonne Nouvelle, ID : 10670/1.pruxar
Avec la poésie cavalcantienne, fondée sur une conception de l’amour comme passion irrationnelle et autoréférentielle, le rapport avec la femme aimée, réduite à une « veduta forma », change du tout au tout. La femme n’est plus la destinataire exclusive d’un chant qui trouve sa fin et sa justification dans la requête de la récompense érotique, comme c’était le cas dans la tradition courtoise antérieure. La poésie cavalcantienne conserve sa vocation allocutive, mais elle interpelle ceux qui ont connu l’expérience de l’amour. De ces derniers, en remodulant sans relâche les invocations des Lamentations de Jérémie, le poète réclame attention et compassion. Une telle quête implique d’un côté la légitimation du Je comme modèle universel, et de l’autre la reconnaissance d’un public auquel ce Je s’adresse. Au dialogue courtois entre le Je individuel et la dame ayant eu cours jusque-là, se substitue de la sorte le dialogue entre le Je universel et le public, qui sera repris, chacun à sa façon, par Dante, puis par Pétrarque.