2018
Cairn
Gabriela Patiño-Lakatos, « Corps néoténique, sujet et prothèse : l’inconscient de l’entreprise technique contemporaine », Cliniques méditerranéennes, ID : 10670/1.pskyt8
La visée des nouvelles technologies – dans lesquelles le numérique occupe une place essentielle – prétend s’organiser aujourd’hui sous le signifiant de l’« augmentation » de l’humain. Ce terme recouvre des implications et des effets anthropogénétiques qui sont analysables à partir de l’articulation des concepts de néoténie, pulsion, prothèse, sémiose et sujet. En ce sens, l’on peut repérer historiquement l’enjeu profond de l’entreprise technique humaine : combler le manque constitutif du sujet à l’endroit de son corps mortel, inachevé et défaillant, en le prolongeant indéfiniment par une série d’organes-instruments. Or ce corps inachevé est un corps pulsionnel, ébranlé par une circulation énergétique constante qui demande satisfaction sur fond de fantasmes de vie immortelle et sans limites. Ce n’est pas un hasard si les organes-instruments des nouvelles technologies se branchent à des orifices et zones liminaires du corps. Cette opération vise à transformer l’impuissance en puissance phallique, mettre en érection l’humain, pour contourner ce manque qui s’inscrit sous les signes de la castration, de la privation et de la frustration. Cependant, « augmenter » n’est pas nécessairement « rehausser » l’humain. On pourra se demander si, dans cette course technologique vers l’augmentation, le sujet ne risque pas en fait d’être diminué.