21 septembre 2022
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Julie Bachellerie, « Innovations techniques et comportements socio-économiques au Paléolithique récent. L'exemple des groupes du Solutréen récent à l'aube du Dernier Maximum Glaciaire dans le Sud-Ouest français », HAL-SHS : archéologie, ID : 10670/1.pvbiy4
Le Solutréen récent (circa 24-23 cal ka BP) est marqué par l’apparition d’un nouvel équipement de chasse original et diversifié qui s’accompagne de la mise en œuvre de nouveaux procédés techniques : la retouche par pression et le traitement thermique des roches siliceuses. Des innovations sans équivalent dans l’histoire du Paléolithique récent et que l’on retrouve employées sur toute l’aire d’extension du Solutréen, dans des contextes environnementaux distincts. Si l’emploi du traitement thermique au Solutréen récent est connu depuis les années 60, l’ampleur et les modalités de mise en œuvre de ce procédé au sein du sous-système technique lithique restent à définir. Se pose également la question de la portée de cette innovation en termes de gains et de contraintes, ainsi que le degré de complexité technique et économique qui lui est associé.La caractérisation de ce procédé ne suffit toutefois pas à comprendre l’origine et les causes de son adoption par les groupes solutréens. Il est également nécessaire de connaître et de comprendre le contexte au sein duquel ces innovations s’insèrent. Or, la singularité dont témoigne le Solutréen récent, du point de vue de ces changements techniques majeurs et de son extension spatio-temporelle restreinte, nous permet d’interroger les conditions socio-culturelles d’émergence de ces procédés techniques.Dans ce cadre, la caractérisation de la place du traitement thermique au sein des traditions techniques solutréennes est passée par un travail multiple impliquant (1) un diagnostic macroscopique des stigmates de chauffe au sein de plusieurs assemblages du nord de l’Aquitaine, (2) un volet expérimental ayant permis d’observer les effets de la chauffe sur différentes matières premières, de créer un référentiel géologique chauffé et de recueillir les impressions de plusieurs tailleurs, et (3) des analyses physico-chimiques impliquant spectroscopie infrarouge et analyses de surface par microscopie confocale dans le but de préciser l’environnement de chauffe mis en place par les groupes solutréens. La caractérisation du traitement thermique s’est accompagnée d’une étude techno-économique menée sur deux gisements solutréens majeurs : le gisement de plein-air de Landry (Boulazac, Dordogne) et l’abri de Laugerie-Haute Ouest (Les-Eyzies-de-Tayac, Dordogne).La mise en œuvre du traitement thermique par les groupes solutréens récents du nord de l’Aquitaine a été confirmée tout en laissant apparaître le faible nombre d’objets concernés. Presque uniquement associée au schéma opératoire de façonnage de feuilles de laurier, la chauffe aurait été menée dans un environnement contrôlé permettant une montée en température n’excédant pas les 250-300 °C. Ces résultats ainsi que ceux de l’étude techno-économique des assemblages du Landry et de Laugerie-Haute Ouest ont permis de préciser les modalités de gestion et d’organisation de la production lithique des groupes solutréens du nord de l’Aquitaine.Ces travaux sont venus souligner la dichotomie entre outillage cynégétique et outils de transformation en termes d’investissement techno-économique. Le statut des armes et outils de chasse a ainsi été interrogé, de même que le niveau de savoir-faire requis à leur confection. La fragmentation spatio-temporelle de la production, déjà révélée par de précédentes études (Renard et ducasse, 2015, 2019), a été appuyée par ce travail, notamment en signalant le recours au traitement thermique et le fort degré d’anticipation qu’il induit. La synthèse de ces résultats permet également d’approcher les modalités d’occupation du territoire des groupes du nord de l’Aquitaine et d’interroger les liens sociaux entre les groupes locaux et régionaux à l’aube du Dernier Maximum glaciaire.