21 novembre 2017
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Federica Lena, « Les complexes familiaux dans les romans épistolaires du XVIIIe siècle (Rousseau et Laclos) », Textes et contextes, ID : 10670/1.pwmeki
Cette communication propose d’analyser les complexes familiaux dans les romans de Rousseau et de Laclos à travers l’application de quelques théories lacaniennes. La démarche d’analyse proposée par Lacan dans son « séminaire sur La Lettre volée » nous fournit les instruments pour étudier les relations triangulaires entre les personnages de nos romans afin de mettre en discussion les relations parentales, la figure de l’autorité, ses personnifications et ses incarnations dans le but d’identifier un rapport entre la structure familiale et la structure de l’Etat au temps de l’Ancien Régime.Dans La Nouvelle Héloïse, aussi bien M. d’Etange que M. de Wolmar sont des figures représentant la loi paternelle et exerçant leur autorité sur Julie. Si d’un côté les figures autoritaires changent, de l’autre la figure de Julie reste inaltérée: elle joue constamment la fonction de fille soumise à l’autorité ’paternelle`. Seulement la fin du roman nous montre un changement radicale. Julie s’empare de l’autorité ; elle va ainsi personnifier la loi symbolique et, pour la première fois dans le roman, les figures ’paternelles` disparaissent. Julie ou La nouvelle Héloïse, en tant que roman clé du XVIIIe siècle, se fait reflet de la mise en discussion des symboles monarchiques : la disparition des figures paternelles symbolise ainsi la faiblesse du pouvoir royal. Les Liaisons dangereuses de Laclos affrontent de façon différente la problématique de l’autorité. L’absence initiale des figures paternelles permet l’incarnation de l’autorité dans le personnage féminin de Mme de Merteuil présentée à la fois comme paladin de l’ordre social et destructrice des différences de genre. Cependant, la figure du père est réhabilitée à la fin du roman à travers le personnage de Prévan à l’intérieur d’une société détruite par la figure de Mme de Merteuil là où Prévan prétend représenter la loi paternelle. Il voudrait personnifier une fonction autoritaire qui, malheureusement, n’est plus justifiée par l’image du roi, désormais, absent et impuissant dans la société française. Le roman de Laclos, écrit en 1782, se fait finalement porteur de la dissolution de la société de l’Ancien Régime. Prévan personnifie aussi bien la corruption que l’immoralité de la société et devient en plus un personnage caricatural et grotesque car il célèbre une autorité paternelle qui n’existe plus. La Révolution française permettra de franchir une étape très importante en relation avec notre thèse. En décapitant le roi, le peuple détruit en quelque sorte tous les symboles sur lesquels se fondait la monarchie ; il détruit ainsi le corpus mysticum personnifié par le roi mettant fin au pouvoir monarchique. Les deux corps du roi- le corps charnel ainsi que le corps symbolique- sont finalement supprimés. Cette communication veut mettre en relief le lien étroit qui existe entre l’Etat et les structures familiales. La destruction du noyau familial est enfin liée à la dissolution du corps politique représenté par la monarchie.