Se chercher des ancêtres juifs et français : les recherches savantes sur l’histoire des Juifs en France, entre science et souvenir (1870-1940)

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2021

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Mathias Dreyfuss, « Se chercher des ancêtres juifs et français : les recherches savantes sur l’histoire des Juifs en France, entre science et souvenir (1870-1940) », Revue d’histoire du XIXe siècle, ID : 10670/1.q64r1a


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Cet article explore la manière dont les travaux savants relatifs à l’histoire des Juifs en France, qui connaissent un saut quantitatif et qualitatif important à partir de la fondation de la Revue des études juives en 1880, ont pu favoriser la reconstitution de figures d’ancêtres historiquement situées. Tandis que les promoteurs de la « régénération » du judaïsme français dans la première moitié du siècle avaient manifesté une prise de distance à l’égard des ancêtres proches nés avant la Révolution française, un nouveau rapport aux ancêtres se noue au tournant des années 1870 et 1880. Celui-ci privilégie désormais des figures d’ancêtres principalement puisées dans l’histoire médiévale, malgré l’absence de lien généalogique directement établi avec ces derniers. Ces ancêtres sont présentés comme tout à la fois juifs et français, confortant l’image publique d’une intégration, sinon politique, du moins culturelle et linguistique des Juifs à la nation française en gestation, dès le Moyen Âge. À la différence des travaux de la science du judaïsme des décennies précédentes centrés sur l’histoire littéraire, cette construction savante nouvelle s’appuie notamment sur les documents de différente nature conservés dans les dépôts publics d’archives. Ses travaux réagissent à distance, preuves à l’appui, aux accusations antisémites d’Édouard Drumont contestant aux familles juives toute origine « raciale » française. À partir des années 1900, une nouvelle inflexion se fait jour. Des figures d’ancêtres présentées comme authentiquement juives refont surface à travers les recherches d’histoire locale et régionale, particulièrement dans les territoires annexés d’Alsace et de Moselle. Ces derniers travaux puisent dans les archives des anciennes communautés qui ne subsistent souvent qu’à l’état d’épaves et restent très fragmentaires. Elles ne permettent dès lors qu’une reconstitution partielle de l’histoire « intérieure » des Juifs dont la mémoire documentaire a été mutilée par des décennies de négligence, de dispersion mais aussi d’oubli lié au désintérêt manifesté par l’État pour la conservation et la sauvegarde d’un tel patrimoine documentaire.

This contribution investigates the reconstruction of historically contextualized ancestors through research on French Jewish history from 1880 onward. These ancestors are described as both French and Jewish, culturally and linguistically integrated to French nation as early as in the Middle Ages. The scholarship on French Jewish history fits the intellectual agenda of French israelite elite drawing the long and deep anchoring of Jews in medieval France, in opposition to Edouard Drumont’s assertions arguing the absence of Jews from French patrimony and « race » before the French Revolution in his best-seller La France juive (1886). As a matter of fact, the new relationship to Jewish past stressed by scholars working in the field of French Jewish history in the 1880s contrasts with the global rejection of any reference to Jewish ancestors active before 1789 by French Jewish « regenerateurs », who remained proeminent during the first half of nineteenth century. On the opposite, a new trend emerges in the very last decades of the 19th century : based on research in Jewish archives, it aims at re-evaluating authentically Jewish ancestors in local memories, especially in the annexed lands of Alsace and Moselle. Yet these surveys limit themselves to fragmented relics, product of decades of neglect, dispersion and oblivion, both by Jewish leaders and by the French State.

Dieser Beitrag untersucht die Art und Weise der historisch situierten Rekonstruktion von Vorfahren in den Forschungen zur französisch-jüdischen Geschichte, wie sie mit der Gründung der „Revue des études juives“ 1880 zentral wurde. Diese Vorfahren wurden zugleich als Franzosen und als Juden beschrieben, die bereits im Mittelalter kulturell und sprachlich in die französische Nation integriert waren. Die Forschung zur französisch-jüdischen Geschichte passte in die intellektuelle Agenda der französischen israelitischen Elite mit ihrer Betonung der langen und tiefen Verankerung von Juden im mittelalterlichen Frankreich. Sie stand damit im Gegensatz zu den von Edouard Drumont in seinem Bestseller „La France juive“ (Das verjudete Frankreich, 1886) aufgestellten Behauptungen, Juden seien vor der Französischen Revolution nicht Teil des französischen Kulturerbes und der französischen „Rasse“ gewesen. Tatsächlich stand diese neue Beziehung zur jüdischen Vergangenheit, wie sie die Wissenschaftler im Bereich der französisch-jüdischen Geschichte der 1880er Jahre betonten, im Gegensatz zur generellen Ablehnung jedweder Bezugnahme auf jüdische Vorfahren vor 1789, wie sie die französisch-jüdischen „regenerateurs“ an den Tag legten, die noch in der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts beherrschend waren. Im Gegensatz dazu zeichnete sich in den letzten Jahrzehnten des 19. Jahrhunderts eine neue Tendenz ab: Auf der Grundlage von Forschungen in jüdischen Archiven zielte sie darauf, die authentischen jüdischen Vorfahren in den lokalen Erinnerungen neu zu bewerten, insbesondere in den annektierten Gebieten Elsass und Lothringen. Diese Untersuchungen mussten sich jedoch auf bruchstückhafte Relikte beschränken, die sowohl von jüdischer Seite als auch vom französischen Staat jahrzehntelang vernachlässigt und zerstreut worden und in Vergessenheit geraten waren.

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