2017
Cairn
Jean-Michel Gros, « L’athéisme à la croisée des chemins Dévots et libertins : Pascal et Cyrano, Leibniz et Bayle », Littératures classiques, ID : 10670/1.qa9val
À travers l’exemple de deux couples comprenant chacun un esprit libertin et un apologiste – Cyrano et Pascal, Bayle et Leibniz –, on a voulu montrer que c’est le plus souvent à travers les contaminations réciproques des positions antagonistes que celles-ci s’exacerbent et que les limites de l’inacceptable sont franchies de part et d’autre. Cyrano et Pascal, sans s’être lus, utilisent les mêmes thèmes : le divertissement, la cironalité universelle, l’immortalité de l’âme, et surtout le pari et le « Dieu caché ». Chacun tire évidemment ces thèmes vers des conclusions diamétralement opposées : le sarcasme libertin oblige Pascal à dramatiser le vieux topos apologétique du pari tout en cherchant à le rationaliser alors que la dérision libertine semble miner par avance cette tentative énergique de convertir l’athée dans un monde où un dieu « sot ou malicieux » joue à « cligne musette ». Leibniz, quant à lui, tente par un discours métaphysique – la Théodicée – de faire barrage aux terribles questions des grands articles sur le mal du Dictionnaire historique et critique de Bayle. Mais il ne comprend pas, quelle que soit la rigueur de son argumentation, que ces articles n’attendent aucune réponse : ils mettent seulement en scène l’inanité de toute tentative de mettre la raison au service d’un discours, celui de la théologie ou de la métaphysique apologétique, qui lui impose comme point de départ un dogme qu’elle ne peut interroger, ce qui va à l’encontre du principe même de tout usage de la rationalité philosophique.