2003
Cairn
Antonin Tisseron, « L’énoncé « guerre propre » à la fin du xxe siècle : paradoxe ou suprématie ? », Les Champs de Mars, ID : 10670/1.qd50b6
Intériorisé par la plupart des Français lors de la guerre du Golfe de 1991, l’énoncé « guerre propre », réapparaît au gré des discours sur les conflits de la fin du XXe et du début du XXIe siècles. Or, son usage révèle un rapport particulier à la vie entre : l’horreur de la guerre est inadmissible pour les personnes l’employant, à cause du mépris dans lequel la vie a été tenue dans les conflits passés et de la confiance dans le processus de civilisation. Dans cette optique, la guerre juste n’a pas pour but de détruire, mais plutôt de soigner et de policer. Il s’agit de renverser, avec le soutien de la communauté internationale, les tyrans opprimant leur peuple. Mais, la métaphore de la propreté, induite dans l’énoncé « guerre propre », reprend aussi la violence de discours passés assimilant l’ennemi à un agent infectieux. Dans ces deux dimensions, cet énoncé révèle donc l’imbrication entre le passé et le présent sur la question de la guerre. Cependant, aussi opposées soient-elles dans leur aspiration, ces deux appréciations sémantiques de la « propreté » en période de guerre se rejoignent sur le terrain du conflit : pour respecter la vie durant une opération armée et éradiquer des gouvernants assimilés à des agents pathogènes, les conditions techniques sont indispensables.