2010
Cairn
Réjane Gay-Canton, « Lorsque Muḥammad orne les autels : Sur l'utilisation de la théologie islamique dans la controverse autour de l'immaculée conception de la fin du xive au début du xviiie siècle », Revue des sciences philosophiques et théologiques, ID : 10670/1.qe02ij
Cet article traite d’un argument méconnu au sein de la controverse autour de l’Immaculée Conception : le recours à un élément de la tradition exégétique islamique. Alors que l’Islam n’a pas de doctrine du péché originel, des auteurs chrétiens interprétèrent en un sens immaculiste un hadith initialement rapporté sous l’autorité d’al-Bukh?r? Nous établirons que le premier auteur connu qui l’utilise, le franciscain Marquard von Lindau (f 1392), a puisé ses citations dans la Responsio ad quendam iudeum de Nicolas de Lyre ; il est l’un des seuls à distinguer clairement entre Coran et Tradition. Un corpus de neuf textes latins, trois textes en moyen-haut-allemand et de quatre tableaux montrera qu’il s’agit d’un argument établi au sein de la controverse, qui circula entre divers ordres religieux et qui connut deux branches de transmission distinctes dont la première remonte à la Responsio et la seconde renvoie à une traduction du Coran de Robert de Ketton. L’analyse des différentes attitudes des auteurs chrétiens étudiés face à la figure de Mu?ammad enfin, révélera que la valorisation ou le dénigrement apparents de la foi musulmane relèvent d’une stratégie de persuasion qui s’apparente à celle de l’exemplum.