La construction d’un échantillon probabiliste en territoire insulaire : quels enjeux ?

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11 novembre 2021

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Cleudir Filipe da Luz Mota, « La construction d’un échantillon probabiliste en territoire insulaire : quels enjeux ? », HAL-SHS : linguistique, ID : 10670/1.qeyvm5


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L’archipel du Cap-Vert est une ancienne colonie portugaise située dans l’océan Atlantique à environ 600 km de la côte du Sénégal. Son actuelle situation sociolinguistique est marquée par une situation de diglossie (Leclerc 2016) entre deux langues. D’un côté, il y a la langue capverdienne, un créole de base lexicale portugaise formé pendant la période coloniale (1460-1975), aujourd’hui langue nationale, parlée par la quasi-totalité de la population dans les situations de communication informelle. De l’autre, la langue portugaise, langue officielle utilisée essentiellement dans les contextes formels, notamment dans l’enseignement et dans la plupart des organismes de communication sociale. Les locuteurs capverdiens sont donc des bilingues (Veiga 2004 ; Lopes 2016) car quotidiennement, ils sont exposés aux deux langues.Depuis l’indépendance du Cap-Vert, en 1975, les différents gouvernements que l’archipel a connus ont pris l’initiative d’adopter une politique de valorisation de la langue capverdienne de manière à ce qu’elle devienne la langue officielle du pays, en parité avec la langue portugaise. Ce sujet a suscité de nombreuses interrogations sur l’impact de cette politique linguiste sur la société capverdienne à plusieurs niveaux, notamment éducatif, social, politique et économique.Dans le cadre de notre enquête doctorale, nous nous intéressons particulièrement aux conséquences de ces interventions notamment au niveau des attitudes et des représentations des Capverdiens face aux deux langues. En effet, nous considérons que ces facteurs peuvent dicter le succès ou l’échec d’une politique linguistique. Ceci constitue la problématique de notre enquête doctorale intitulée « La politique linguistique du Cap-Vert : quel avenir ? ».Pour mieux aborder ce sujet, nous avons adopté une démarche hybride sur la base d’un questionnaire (enquête quantitative) et d’entretiens semi-directifs (enquête qualitative) auprès d’experts. À ce propos, Lacombe (1999) indique que l’enquête qualitative permet au chercheur d’expliquer et d’explorer comment les individus d’une population vivent, comprennent, interprètent et produisent l’univers social alors que la quantitative permet de mesurer, dénombrer et quantifier l’objet d’étude. Le questionnaire que nous avons utilisé a été créé et testé par nos soins lors de la planification de notre enquête de terrain. Au total, il contenait vingt-trois questions et onze sous-questions ouvertes, semi-ouvertes ou fermées. Les premières lignes de notre questionnaire contenaient une courte introduction dans laquelle nous nous présentions et annoncions le thème de notre enquête, nos questionnements et des remerciements pour leur disponibilité pour répondre aux questions. Une dernière note introductive indiquait aux informateurs que le questionnaire était totalement anonyme et que les réponses ne serviraient qu’à l’interprétation des données statistiques fournies. Cette partie introductive était suivie de 4 sections, chacune fournissant à la fois des informations différentes mais complémentaires, à savoir. La première permettait d’établir le profil de chaque informateur (sexe, âge, île d’origine, île de résidence et profession), la deuxième se composait de questions liées au profil linguistique de l’enquêté (langues parlées et écrites, langues étudiées à l’école et les différents niveaux de maîtrise), la troisième comportait une série de questions liées aux pratiques langagières des enquêtés (notamment les contextes dans lesquels ils pratiquent les langues capverdienne et portugaise) et la dernière était dédiée aux attitudes et aux représentations linguistiques des informateurs.Le but principal de notre enquête de terrain était la constitution d’un échantillon aléatoire simple, susceptible de représenter l’ensemble de la population. Nous donc estimé que la population-cible pour répondre à nos questions devrait respecter certains critères d’éligibilité, à savoir : des personnes majeures (18 ans et plus, sauf pour les lycées, où certains témoins avaient 17 ans), de nationalité capverdienne, indépendamment de leur genre, classe sociale, niveau de scolarité, religion ou toute autre variable, informées ou non-informées sur le thème de la recherche. Sur cette voie, nous avons décidé d’administrer le questionnaire dans quatre classes de lycée (chacune située sur l’une des îles par lesquelles nous sommes passé), de deux classes universitaires et dans les rues du Cap-Vert, auprès des passants. Dans le cadre de notre enquête qualitative réalisée sur les îles de Santiago et São Vicente, nous avons interrogé deux enseignantes universitaires, une linguiste, un anthropologue, une députée, un écrivain et deux animateurs radiophoniques.Au bout de notre enquête de terrain, nous nous sommes retrouvé avec 288 questionnaires dûment remplis que nous avons triés, classés (en fonction du contexte dans lequel ils ont été administrés) et codés pour faciliter leur analyse. À cela s’ajoutent environ six heures d’entretiens enregistrés à l’aide d’un enregistreur phoniques portable. Pour arriver à ce résultat, nous avons dû surmonter différentes difficultés liées d’une part au terrain de recherche et, de l’autre, aux outils de recherche.En ce qui concerne le terrain de recherche, l’insularité fait que chaque île développe des manifestations culturelles, des usages et coutumes qui lui sont propres. C’est l’une des raisons pour lesquelles les habitants de chaque île accordent beaucoup d’importance à leur île d’origine, ce qui est strictement corrélé à leur identité et au sentiment d’appartenance à un groupe/communauté bien précis. Par conséquent, nous avons estimé qu’il était primordial de prendre en compte ce facteur culturel lors de l’administration de notre questionnaire. Par exemple, l’une des principales manifestations de la diversité au Cap-Vert sont les diverses variantes de la langue capverdienne parlées sur les différentes îles. Ainsi, pour faciliter notre entrée sur le terrain, nous avons tenté de parler la variante de l’île sur laquelle nous nous trouvions. En tant que Capverdien, nous sommes conscient du fait que notre statut de chercheur insider a influencé le type de rapport que nous avons établi avec nos différents témoins. Ce statut nous a permis de mieux comprendre la subtilité du langage utilisé par les enquêtés et de gagner leur confiance plus facilement. En revanche, cela peut constituer un inconvénient dans la mesure où la connaissance du terrain peut parfois se traduire par un manque d’attention vis-à-vis de certains éléments comportementaux ou langagiers qui peuvent finalement se révéler intéressants. C’est pourquoi tout au long de notre enquête nous nous sommes imposé une réflexivité constante qui nous a permis d’intégrer notre propre personne dans notre sujet d’étude et d’être conscients de nos propres valeurs dans le cadre de notre travail scientifique. De plus, nous avons systématiquement évité la position d’expert, position susceptible d’inhiber les enquêtés.En outre, nos outils de recherche nous ont posé certaines contraintes, notamment le temps d’administration du questionnaire qui était relativement réduit (une dizaine de minutes) car nous abordions les informateurs au hasard dans la rue. À cela s’ajoutent certains biais, notamment ce que Lugen (2015) appelle « l’effet de cadrage » où certaines réponses sont induites par les questions, sans oublier le manque d’interaction imposé par cette méthode.Ces différentes considérations nous mènent vers le caractère interactif de l’enquête de terrain. En effet, en sciences humaines, plus particulièrement en sociolinguistique, la connaissance est produite en relation avec l’autre, plaçant l’altérité au cœur de la démarche d’enquête, ce qui impose au chercheur tout un ensemble de réflexions d’ordre méthodologique et éthique. C’est pourquoi, lors de ces journées d’étude, nous souhaiterons aborder les questionnements liés au positionnement éthique du chercheur.

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