2017
Cairn
Peter Scholten et al., « Inscrire l’intégration des migrants au cœur des politiques ? Analyse critique d’une nouvelle tendance dans la gouvernance de l’intégration », Revue Internationale des Sciences Administratives, ID : 10670/1.qirs5g
Dans la littérature académique, la question de l’inscription d’une question au cœur des politiques ( mainstreaming) est définie comme une réorientation des priorités politiques (passage d’un angle spécifique à un angle générique), ainsi que dans la gouvernance (la gouvernance centrique devient polycentrique). Si cette tendance à inscrire certaines questions au cœur des politiques s’applique à différents domaines, comme le genre, le handicap et l’environnement, elle s’applique aussi depuis peu à un autre domaine, à savoir l’intégration des migrants, une thématique peu étudiée jusqu’à présent dans les cercles académiques. Dans le présent article, nous proposons une analyse critique de la question de la « tendance » supposée à appliquer le « mainstreaming » (soit l’inscription de différentes questions au cœur des politiques) aux politiques d’intégration des migrants. Nous proposons une analyse conceptuelle de ce que suppose le mainstreaming dans le domaine de l’intégration des migrants, afin de relier la notion de maintreaming telle qu’elle est utilisée dans d’autres domaines à la littérature sur l’intégration des migrants, et notamment au concept émergent d’interculturalisme. Suivra une analyse empirique des évolutions dans la gouvernance de l’intégration et dans les politiques en la matière au Danemark, en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, afin de déterminer si l’on peut effectivement parler de « mainstreaming » tel qu’on l’entend. Pour conclure, nous verrons que la notion de mainstreaming dans le domaine de l’intégration des migrants n’explique qu’en partie les évolutions stratégiques. On observe effectivement une évolution marquée vers une gouvernance plus polycentrique et vers des politiques génériques. Ces politiques prévoient cependant rarement des mesures destinées à sensibiliser le grand public à la quesation de la diversité liée à la migration, et elles sont souvent occultées par les discours nationaux plus larges sur l’intégration des migrants, ainsi que par les structures de gouvernance préexistantes. L’existence d’une volonté évidente de mettre en place des stratégies de remplacement au niveau local indique que les approches en matière de mainstreaming sont peut-être une manière de contourner ces discours et ces structures de gouvernance nationaux.Remarques à l’intention des praticiensOn peut éviter les effets dégénératifs potentiels des constructions fondées sur l’un ou l’autre groupe cible en recourant à des stratégies indirectes qui sont définies sur la base d’une région ou des besoins plutôt que sur la base de groupes.Le mainstreaming nécessite aussi des structures de gouvernance polycentriques, qui permettent la présence de mécanismes de coordination horizontale (interdépartementale, multi-acteurs) et verticale (à niveaux multiples) afin d’éviter le découplage des politiques.Le mainstreaming ne suppose pas que l’on ferme totalement les yeux sur les groupes ; le mainstreaming n’est jamais aussi efficace que quand il s’accompagne d’une bonne connaissance de ces groupes et de leur prise en considération, tout en évitant de formaliser les constructions fondées sur des groupes cibles.Le mainstreaming n’est pas qu’une option, c’est aussi une nécessité pour les politiques dans les villes extrêmement diversifiées, où les distinctions entre les groupes ne sont plus possibles.