2018
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Jean-Paul Sachet, « Pour une vision du vélo partagé(e) par tous. Développement du vélo pour Nantes et sa région : Une offre globale au service des sports et de la société », HAL-SHS : sociologie, ID : 10670/1.qlw0m3
Ce document est le résultat d’une réflexion initiée dès 2007 avec pour objectif le développement de la pratique du vélo en région des Pays de la Loire. Cette réflexion a d’abord abouti à une première proposition fin 2008 destinée à développer la pratique du vélo avec une vision sportive mais aussi non sportive au regard de la citoyenneté et du développement durable. Et c’est après y avoir intégré une dimension plus socio-économique que le présent projet a été de nouveau proposé aux instances locales en 2015 tout en étant, dans les principes, transposable au territoire national. Il a pour vocation d’être un projet de société structurant pour les Pays de la Loire considérant la place importante du vélo dans la société comme moyen de locomotion, comme outil de loisir et ludique, et son fort impact économique et social.Ce projet est bien entendu perfectible ; il a plus pour objectif à partir de ses fondements d’être enrichi par d’autres idées et de contribuer au final à la mise en œuvre de tout ou partie des propositions faites pour donner au vélo la place qui est la sienne avec de nouveaux services et usages. Autrement dit, il constitue surtout une base de réflexion pour aboutir à une transformation des comportements, l’ambition étant d’entraîner une vision du vélo partagée par tous (sportifs et non sportifs) mais aussi avec comme fil directeur, celui d’aider les jeunes d’aujourd’hui à aller au bout de leur propre (et bonne ...) route dans l’intérêt général de la société.L’ambition de ce projet est partie du constat que s’agissant de la pratique sportive, la région des Pays de la Loire est après la Région Rhône-Alpes et la Bretagne dans le peloton de tête en nombre de licenciés pratiquant la compétition dans un club. Pour autant, le cyclisme peine à s’y développer pleinement comparé à d’autres sports. Le cyclisme ne se hisse qu’à la 18ème place en nombre de licenciés.Alors que le nombre total de licenciés progresse sensiblement chez les plus jeunes depuis quelques années, cet effectif chute fortement dans la tranche d’âge de 16 à 35 ans. Diverses raisons à cela au rang desquelles : une offre éclatée, pas toujours adaptée aux parcours scolaires et professionnels, de nouvelles attentes du public, de moins en moins d’espace en raison d’une explosion du phénomène urbain (la route qui est historiquement le terrain de jeu du cycliste est devenue « hostile »), des vélodromes vieillissants et aucun couvert,...Pour répondre aux besoins de la discipline dans la métropole nantaise et ainsi contribuer efficacement au développement des jeunes ligériens à travers le sport, le présent document propose donc la réalisation d’un complexe sportif dédié aux différentes disciplines relevant du cyclisme, avec a minima au centre du dispositif deux outils stratégiques : un vélodrome couvert ainsi qu’une piste de BMX. L’ensemble, relié à une aire sécurisée et consacrée à la pratique d’activités dites de nature, favorisera l'accès à tous, petits et grands, et privilégiera l’éveil, l’initiation, la formation et la pratique en compétition mais aussi une pratique de simple loisir sans contrainte. Sur un plan purement sportif, il vise au niveau national à contribuer à un rééquilibrage en matière de préparation au sport de haut niveau et d’offre événementielle. D’ailleurs, en allant plus loin dans la perspective de l’organisation des Jeux olympiques de 2024, un tel vélodrome profiterait plus à la structuration de l’offre sportive dans les régions et défendrait les intérêts économiques d’une Région. La logistique à mettre en place dans le cadre de ces Jeux relève du second ordre (la voile connaît bien cette problématique) une vision qui peut paraître utopique mais celle-ci n’est-elle pas parfois synonyme d’ambition … ?Cependant, ce projet ne vise pas uniquement à résoudre une problématique sportive propre à la métropole nantaise même si à sa lecture, il peut être de prime abord perçu avec des objectifs trop centrés et parfois trop détaillés sur le développement du cyclisme sous l’angle sportif. Après avoir été un simple moyen de transport, le vélo est aujourd’hui au coeur d’enjeux socio-économiques et environnementaux majeurs pour les métropoles de demain. C’est pourquoi, il est important d'intégrer cette ambition sportive dans ce projet de société pour les Pays de la Loire avec l’objectif de créer une identité dans laquelle ses habitants se reconnaissent.Dans cette perspective, le complexe sportif a pour vocation de constituer une plateforme pluridisciplinaire dont le but est de développer les synergies autour de quatre leviers/axes de développement prioritaires : l'éducation, la formation, la recherche et une économie/innovation sociétale, avec des objectifs finaux se voulant complémentaires, à savoir : être un outil au service du développement de l’individu et être un outil au service de la société, le sport n’étant alors qu’une déclinaison parmi d’autres de l’utilisation de cette plateforme.Pour garantir le succès d'une telle démarche, il est essentiel de rompre avec des clivages fréquents parfois source d’une certaine complaisance et de culture de l’entre soi. La mobilisation et l’implication de l’ensemble des acteurs concernés sont indispensables avec pour ne citer qu’eux, les ministères de l’éducation nationale et de la jeunesse, des sports, de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, de la transition écologique et solidaire et les acteurs de la société civile (citoyens, entreprises, associations, etc.). C’est cette mobilisation qui permettra notamment de répondre à bon nombre de préconisations de ces mêmes pouvoirs publics, d’associations et d'entreprises en faveur du développement d’activités physiques et sportives pour tous (développement du Sport santé, bien-être, du sport féminin, accès aux publics défavorisés, insertion et cohésion sociale, …) et du développement de l'économie sous toutes ses formes. C'est sans compter également sur l'évolution des organisations publiques et privées à laquelle il faut ajouter les contraintes économiques de plus en plus fortes qui remettent en cause les modèles qui ont fonctionné jusqu'ici. La mutualisation et la rationalisation de moyens (financiers, humains, organisationnels,...) sont devenues un passage obligé pour diminuer les coûts d'un projet.Certes, force est de constater au passage que des projets ont pointé depuis l’expression de ce projet mais moins intégrateurs et paradoxalement dans de petites localités : l'un à Loudéac en Bretagne (projet selon toute vraisemblance validé courant 2018) avec un vélodrome couvert associé à une piste de BMX rejoignant ainsi des objectifs sportifs transversaux exprimés ici ; l’autre en Pays de la Loire aux Essarts (85) mais pas encore validé en 2018, avec uniquement la construction d’un vélodrome couvert. Dans ce dernier cas, une telle réalisation à proximité de Nantes empêcherait naturellement Nantes Métropole de se doter même à long terme d’un outil de ce type. La construction de ce second vélodrome proche de La Roche s/Yon (20km) où se trouve le Centre Régional d'Entraînement et de Formation (CREF) peut certes prendre un certain sens d’un point de vue strictement sportif. Néanmoins, il va à l’encontre des divers plans de l’Etat autour du développement des activités physiques et sportives avec des objectifs complémentaires en particulier (1) veiller à la réduction des inégalités sociales d’accès à la pratique de ces activités et au développement d’une offre adaptée et (2) s’inscrire dans une démarche de développement durable, un défi auquel le vélo est incontestablement en mesure de contribuer. Avec un potentiel de plus de 600000 habitants, Nantes Metropole a tous les arguments en sa faveur pour légitimer, au regard des enjeux sociétaux, la réalisation des infrastructures proposées ici pour (1) satisfaire les attentes d’un plus large public et (2) atteindre des objectifs plus étendus sur un plan sociétal. D’ailleurs, en matière de paradoxe, comment ne pas mentionner le cas de Limoges Métropole à Bonnac la Côte précisément. Un vélodrome couvert avec une structure gonflable, sur la base d’une idée venue des Etats-Unis, vient en effet d’être créé dans une métropole de « seulement » près de 210000 habitants ; un exemple qui montre que lorsqu’un projet croise pouvoir/réseaux, conviction/passion et moyens (cette dernière condition n’étant d’ailleurs pas toujours une étape limitante), il a de fortes chances de se concrétiser. La concrétisation du vélodrome des Essarts auquel il est fait référence plus haut en serait ainsi la preuve par l’exemple … S’agissant précisément des attentes du public, la recherche d’activités physiques ludiques sous le contrôle de ses pratiquants est de plus en plus forte. Les attentes d’une partie des nouvelles générations ou de certaines catégories socio-professionnelles vont plus que jamais dans ce sens et certains pays, soit par l’élaboration d’une autre vision, soit tout simplement par différence de culture sont déjà (engagés) dans cette dynamique.Il en est de même sur un plan de recherche et développement avec le Pôle de compétitivité « Images et Réseaux » des Pays de la Loire et Bretagne dont la mission est d’amplifier le développement d'activités industrielles et de dynamiser l'emploi le plus largement possible. Après avoir défini le thème « mieux vivre grâce au numérique » comme majeur pour le développement des territoires, le pôle a tout le potentiel pour que les pratiques sportives, le suivi de l’activité et la rééducation puissent bénéficier des apports des technologies du numérique. Pour conforter une telle démarche, il suffit de faire référence à l'institut Carnot Star porteur de la filière Fast_Sport’In dédiée à l’innovation des entreprises du sport et bien-être : en créant un environnement ouvert aux entreprises et en mobilisant les ressources de huit laboratoires associés d’Aix-Marseille Université (dont six laboratoires CNRS), cet institut entend aussi de son côté relever de nombreux enjeux de société comme aussi bien la maîtrise des dépenses de santé, le vieillissement de la population, la personnalisation des soins, que le rôle croissant de la science et de la technologie dans la pratique et les performances sportives. Autant d’arguments qui montrent l’intérêt de disposer d’une plateforme pluridisciplinaire en Région des Pays de la Loire aux services multiples de la société. Il va sans dire que les priorités des collectivités ne favorisent pas toujours le développement de nouveaux projets en raison de lourds investissements nécessaires. Pour autant, avec les transformations sociétales qui s’opèrent au gré notamment des transitions numérique et écologique, les acteurs locaux ont de plus en plus de responsabilités dans le soutien à ces transformations. De ce point de vue et s’agissant précisément de la politique des transports, le vélo semble enfin être perçu par les pouvoirs publics comme un outil stratégique. La preuve en est, le Plan vélo engagé par l’Etat en septembre 2018 et qui comprend un financement dédié au vélo. Ce plan vient conforter et soutenir d’autres plans déjà engagés par des départements comme celui de la Loire-Atlantique dans le cadre de sa nouvelle politique en faveur du vélo, que ce soit en termes d’aménagement ou d’actions visant à favoriser l’usage du vélo. C’est ainsi qu’on y trouve la mise en œuvre de propositions qui s’inscrivent naturellement dans le sens de celles préconisées ici, à savoir rendre la pratique de la bicyclette sûre pour tout type de pratiquant. Reste à présent à réaliser un réseau entretenu de vraies pistes cyclables et fonctionnelles dans un réseau autoroutier existant parfois complexe avec l’espoir d’atteindre le niveau de qualité de certaines infrastructures de pays du nord imprégnés d’une autre culture sur le sujet, et même de certains pays plus à l’Est de l’Europe. On ne peut qu’espérer voir ce Plan vélo y contribuer pour se déplacer en toute sérénité et ainsi permettre une réduction significative du nombre d’accidents mortels (sportifs et non sportifs) que l’actualité nous rapporte hélas trop souvent.Ce sont donc là autant d'éléments de contexte qui montrent l'impérieuse nécessité d'apporter une réponse globale à la place de la bicyclette dans le fonctionnement de la société actuelle. Pensé au service de différents usages au regard d’enjeux sociétaux, le vélo peut représenter dans une vision à long terme un réel vecteur de développement socio-économique, et peut, comme la culture, être un vecteur de valeurs morales et de cohésion sociale, un des enjeux de la société du 21ème siècle. Et, c’est précisément en ce sens, pour reprendre les propos du site internet du ministère des sports, que le développement d’activités physiques et sportives responsables et durables est tout particulièrement un enjeu important pour les collectivités territoriales, à tous les échelons du territoire.Depuis la diffusion en 2015 de ce projet local collaboratif, quelques éléments de contexte ont certes évolué et modifient par exemple le lieu d’implantation suggéré initialement compte tenu de décisions politiques encore bien présentes dans les esprits ligériens . Il n'en reste pas moins que les espaces ne manquent pas à la métropole nantaise pour intégrer un tel projet dans sa politique globale de développement. D’autant que sur le fond, il dispose de nombreux atouts pour faire face aux problématiques soulevées ici et qui sont plus que jamais d’actualité…