Le réalisme global de Milo Rau : sortir de la représentation : étude à partir de cinq pièces (2009 - 2017)

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On peut situer la naissance du principe de Réalisme Global dont le metteur en scène Milo Rau est l’instigateur, dans la continuité de la parution de son livre Vers un Réalisme Global en 2019. Ce livre expose par l’intermédiaire d’un recueil de textes (issus d’entretiens, d’un manifeste et d’un essai , ainsi que de trois conférences que le metteur en scène a donné en 2017), la construction dans le temps du principe de réalisme telle que Milo Rau l’a réfléchie et mis en pratique. Il montre comment, à travers son évolution artistique (des oeuvres produites en 2009 jusqu’à celles créées en 2017) sa création a été invariablement marquée par le souci de représenter le réel et de participer à sa transformation. S’il s’inscrit dans la continuité d’une longue tradition aux ramifications et aux implications diverses, sa définition du réalisme semble revendiquer une position plus radicale au regard des pratiques qui l’ont précédés. En attestent plusieurs de ses formulations « choc » qui, construites sur le mode de l’opposition, laissent entendre la nécessité d’une transformation novatrice dans le champ théâtral : « Il ne faut plus seulement représenter le monde. Il faut le changer » ; « Il ne s’agit plus seulement de dépeindre le monde. Il s’agit de le changer. » ; « l'art doit se débarrasser de lui-même pour en redevenir un. ». Ces déclarations sont emblématiques de la recherche de l’artiste et primordiales pour comprendre la spécificité de son réalisme. Selon lui, la tache du réalisme contemporain ne doit pas seulement s’inscrire dans une représentation formelle, une reproduction photographique ou une ambition critique vis à vis de la réalité ; il doit directement offrir la possibilité d’un impact politique dont les conséquences pourraient contribuer à leur échelle à la transformation de l’état du monde . Il déploie pour cela un ensemble de techniques qui chacune dans leurs singularités visent un au-delà du cadre de la représentation pour s’inscrire dans le champ de la réalité socio-politique. Le réalisme Global de Milo Rau semble donc s’établir selon un double mouvement, esthétique et politique. À l’instar du metteur en scène Thomas Ostermeier qui lors d’une conférence prononcé en 2009 « plaidait pour un théâtre réaliste à même d’opposer une résistance aux formes déconstructivistes du théâtre postdramatique et de la performance », Milo Rau inscrit son théâtre du réel dans une opposition claire et revendiquée avec certaines entreprises performatives et formes postdramatiques. La recherche d’une réalité scénique différente de sa représentation et autre que celle de la performance, le conduit à penser le théâtre comme « médium de présence ». Selon lui « le théâtre ne fournit aucune information, le théâtre crée de la présence - la présence de ce qui est passé, mais aussi de l’avenir. ». Dans la continuité de ce dépassement des formes autoréférentielles, Milo Rau pose la nécessité d’un théâtre directement engagé dans les questions politiques et dans les réalités sociales, et ce sur la scène internationale. Les pièces de Milo Rau ne connaissent effectivement pas de frontières : France, Belgique, Congo, Rwanda, Roumanie, Russie, Syrie, Allemagne, Bosnie, Serbie, Brésil (etc.) sont autant de pays dont les problématiques sociales et politiques sont interrogées à travers différentes formes de productions. Sa maison de production, l’IIPM (International Institut of Political Murder), comme son nom l’indique, s’est donné pour objectif de produire et de diffuser « une nouvelle forme d’art politique ».