9 juin 2021
Camille Richert, « Un motif pour une historiographie du travail: représenter les corps laborieux, 1968-2020 », HAL-SHS : histoire, ID : 10670/1.qqpwy8
Cette thèse propose d’examiner la façon dont le travail a été figuré en Occident depuis 1968 jusque 2020. Thématique dépourvue de noblesse dans l’histoire de l’art, le travail devient un motif de choix à partir de la deuxième industrialisation, un motif qui se renforce dans les pays aux économies tertiarisées de l’après-Seconde Guerre mondiale. La « révolution mondiale » de 1968, selon les mots d’Immanuel Wallerstein, contribue à cet essor : révolution culturelle transnationale, 1968 met à mal les grands récits unifiants de la modernité occidentale. L’activité professionnelle, tous secteurs d’activité confondus, n’est plus représentée comme participant des régimes politiques où elle est exercée, mais comme le motif d’une critique sociale qui se veut désidéologisée. Dès lors, les œuvres figurant le travail ne relèvent plus tant d’une fonction politique de l’art advenue au mitan du XIXe siècle, selon la terminologie de Walter Benjamin, que d’une fonction démystificatrice. Les chapitres de cette thèse en explorent les principales déclinaisons, lesquelles ont pour point commun d’historiciser le travail. Ce dernier n’est plus représenté comme un sujet visuel anhistorique de la politique, mais comme une expression historicisée du politique. Plus encore, après1968, ce ne sont pas un, mais deux mythes qui tombent dans une même chute : les mythologies nimbant le travail, mais aussi le mythe de ce mythe, soutenu par l’idée que la nature est maîtrisable, et que ceci est souhaitable dans la mesure où cette nature fournirait l’énergie nécessaire aux rêves et aux ambitions de progrès social des XIXe et XXe siècles. Le travail en fut le moyen et le blason.