2019
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Carole Mohn Auroy, « Auto-bio-fiction. La littérature à la poursuite du réel dans Lambeaux, de Charles Juliet », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.qsrav0
Charles Juliet ne découvrit l'existence de sa mère, dont il fut séparé prématurément, que sept ans plus tard, lors de ses obsèques. La rédaction de Lambeaux accompagna le difficile cheminement de l'écrivain vers les origines de sa propre histoire : en même temps qu'il éclaircissait le mystère d'une jeune femme broyée par un terrible engrenage sociohistorique, il sondait les ténèbres de sa souffrance d'enfant blessé par un trauma antérieur à l'âge des premiers souvenirs. Le récit conjugue donc à l'enquête biographique et à l'effort autobiographique un nécessaire recours à la fiction, pour forcer les limites de la mémoire. Or le livre révèle dans l'imagination littéraire un instrument d'approche du réel, grâce auquel la réalité intime d'une conscience s'extrait de sa solitaire claustration pour se relier à celle d'autrui et à la réalité extérieure du monde. Le chemin qui mène de la récréation de l'existence maternelle à la réconciliation du fils avec la vie passe par la parole adressée : l'usage du tu, ouvrant la voie à un exercice de l'interlocution interne, permet au je de s'écrire comme un autre et d'invoquer l'autre comme un autre soi-même. L'inscription de la littérature dans la circulation vitale d'amour qui se révèle à l'écrivain situe l'ouvrage dans un mouvement qui traverse la création et la critique contemporaines : celui qui assigne à l'écriture, loin de tout repli autotélique, la fonction de réparer le rapport au monde d'un sujet en quête de sens.