2018
Céline Gailleurd, « « Les douloureuses extases des dive italiennes : l’intensité des gestes », Christa Blümlinger, Mathias Lavin (dir.) », HAL-SHS : histoire de l'art, ID : 10670/1.quzyds
Antonio Gramsci voyait dans le jeu de la diva Lyda Borelli l’invention d’une nouvelle gestualité dont l’expressivité marquait l’apparition d’un cinéma, reposant entièrement sur le corps des femmes : « In principio era il sesso » écrivait-il alors. Avec l’arrivée des films de dive qui se développent en Italie à partir de 1913, les acteurs – et actrices surtout – s’élèvent progressivement au rang de stars. En l’espace de quelques années, les films ont pour but principal de mettre en valeur leur présence physique et de placer l’invention d’une gestuelle au centre de toutes les attentions. D’emblée, les gestes alanguis des dive tirent vers la pose, la stase et la succession de postures qui vont à l’encontre même du mouvement des images cinématographiques. De film en film, tout se passe comme si les actrices cherchaient, en se figeant, à ralentir le défilement des images et à suspendre le medium pour se donner en spectacle et susciter la contemplation. Ainsi, cette étude, à partir d’une analyse de quatre films, exemplaires du genre – Ma l’amor mio non muore (Mario Caserini, 1913), Tigre Reale (Giovanni Pastrone, 1916), Il Processo Clemenceau (De Antoni, 1917) et La Serpe (Roberto Roberti, 1920) – pose deux questions, d’ordre esthétique et anthropologique, qui permettent d’interroger la figuration de l’identité féminine et les états du corps, pris dans des nœuds d’influences hétérogènes. Comment ce cinéma permet-il l’invention d’une gestuelle inédite ? Dans quelle mesure l’étude de ces gestes nous renseigne-t-elle sur le statut des femmes dans la société italienne des années 1910 et 1920 ?