2018
Cairn
Christian-Nils Robert, « La Justice en ses décors. Un anachronisme naissant », Les Cahiers de la Justice, ID : 10670/1.qvshou
En cinq siècles, les modèles se sont effondrés, dissipés. L'élan pédagogique des balbutiements d'une représentation de la Justice dans les cités judiciaires n'est plus à l'ordre du jour. On est passé d'une très riche symbolique, d'abord ecclésiale puis sacrificielle, à l'abstraction la plus dépouillée, mais aussi la plus énigmatique. Aujourd'hui, hésitant, ce sont les couleurs vives, vert, bleu, rouge, noir et jaune, une danse de couleurs, des bras qui s'ouvrent pour accueillir le justiciable, suggérer un point de fuite vers le jugement énigmatique, l'octogonalité (rigide) des formes centrales, en dialogue avec des rectangles difformes, une évidente simplicité géométrique, mais une métaphore énigmatique de la Justice... l'esthète est peut-être satisfait (Ellsworth Kelly, 1998, The Boston Panels, Ellsworth Kelly, 1988, John Joseph Moakley United States Court House, Boston, Massachussetts). L'art, que l'on dit à juste titre abstrait, a envahi l'espace judiciaire, laissant la liberté totale pour l'interprétation d'éléments pourtant fondateurs d'un espace, fussent-ils judiciaires. Faut-il tout abandonner et renoncer à toute symbolique, ou reprendre ce qu'évoquent les fondamentaux de la décoration des lieux de Justice, sacralité, exemplarité, sacrifice, qui restent les pierres angulaires de la Justice, et qui font d'elle une institution, aujourd'hui encore, anachronique ?