18 avril 2023
Régine Dondon Zou, « Faire d’un patrimoine local une passerelle vers les savoirs scientifiques: CICDS : Colloque international sur la construction et la diffusion de la science », HALSHS : archive ouverte en Sciences de l’Homme et de la Société, ID : 10670/1.qvyxm3
Le jardin créole des Antilles est un agrosystème traditionnel affilié à la petite agriculture familiale, qui a traversé l'histoire de ces territoires depuis la civilisation amérindienne, et résisté à la transition des modèles alimentaires basée sur une importation massive (Degras, 2016). Il est dit "créole" de par la nature des pratiques culturales ancestrales qui le caractérisent, et qui ont fait de cet espace un pourvoyeur d’autosuffisance alimentaire pour les familles impliquées dans son exploitation. Dans les sociétés antillaises, l’agriculture est historiquement un secteur économique phare à travers l’économie de plantation. Ce secteur a amorcé le tournant de la modernisation au milieu du XXè siècle et relégué le jardin créole à la survivance. Depuis quelques années, on assiste à son retour en grâce, porté par de nouvelles aspirations sociétales (locavorisme, réduction des déchets, découverte et valorisation des vertus des végétaux, économie sociale et solidaire). Celles-ci sont partagées au-delà de l’espace caribéen, en lien avec les normes sociales de durabilité, de sécurité sanitaire et de qualité alimentaire. Ce patrimoine paysager s’affirme de plus en plus dans les sociétés antillaises, notamment dans le monde éducatif. Un nombre significatif d’élèves découvre au sein des établissements scolaires publics les enjeux des pratiques culturales qui lui sont rattachées. Le milieu de la recherche scientifique, singulièrement en agronomie, a accompagné ce regain d’intérêt pour le jardin créole. Précisément, il l’a consacré comme modèle d’agroécologie (Chevalier, 2017) selon les standards internationaux en vigueur (Fanchone, 2020), et cette distinction pourrait être renforcée en modèle de développement durable, compte-tenu des contributions dans les domaines économique et social (Marc & Saffache, 2011) en sus du domaine environnemental. Ce patrimoine naturel végétal satisfait des besoins socio-économiques (autosuffisance alimentaire, commerce de végétaux), mais permet aussi le maintien de l'activité physique, du lien intergénérationnel et social, de représentations culturelles et de la mémoire collective. Son potentiel scientifique n'est pas totalement connu, à l'instar des dynamiques agro-écologiques, de la caractérisation physicochimique, pharmacologique, organoleptique et nutritionnelle des plantes cultivées. Il y a donc un dialogue nécessaire avec les enseignants et apprenants investis dans des projets sur le jardin créole, afin de confronter les savoirs mobilisés et enseignés d’une part aux savoirs de référence sur le jardin créole, et d’autre part aux savoirs académiques, comprenant ceux générés dans les domaines susmentionnés. L’analyse d’un cas portant sur un partage, voire un transfert mutuel de connaissances, entre les mondes de l’enseignement secondaire et de la recherche est proposée. Il s’agit pratiquement de la co-construction de deux protocoles expérimentaux élaborés sur trois végétaux locaux, ceux-ci pouvant être rencontrés dans le jardin créole. Ils ont été soumis en novembre 2022 à des classes niveau collège pour la Fête de la Science 2022, conjointement par l’auteur de l’article et l’enseignante de physique-chimie des classes concernées. Un premier objectif est de montrer que ce travail s’inscrit pleinement dans l’Education au Développement Durable, avec l’ancrage dans la vie réelle impulsé par les institutions idoines, qui légitime l’ouverture vers l’éducation informelle et valorise les savoirs traditionnels potentiellement présents dans les représentations scientifiques et culturelles des élèves. En second lieu, il est intéressant de montrer que dans le creuset de cette "éducation à", la problématisation sur des sujets scientifiques est possible, que le questionnement est sollicité en lieu et place de la posture prescriptive et de l’écueil normatif parfois décriés (Barthes, 2014).Références bibliographiques : (5 maximum)Barthes A., Zwang A., Alpe Y., 2014. Sous la bannière développement durable, quels rapports aux savoirs scientifiques ? Éducation relative à l’environnement : Regards - Recherches - Réflexions, Centr’ERE. [en ligne, consulté le 29 Août 2022]. https://dx.doi.org/10.4000/ere.815Chevalier C., 2017. Jardins créoles en Guadeloupe : un modèle agroécologique? Sytra [en ligne, consulté le 29 Août 2022]. Les jardins créoles en Guadeloupe : un modèle agroécologique ? - SytraDegras L., 2016. Le jardin créole : repères culturels, scientifiques et techniques, Guadeloupe, Editions Jasor & Archipel des sciences.Fanchone A. et al., 2020. A typology to understand the diversity of strategies of implementation of agroecological practices in the French West Indies, European Journal of Agronomy, 117, 126058. [en ligne, consulté le 29 Août 2022]. https://doi.org/10.1016/j.eja.2020.126058Marc J.-V., Saffache P., 2011. « Disparités et limites du développement durable dans les Petites Antilles : le cas de la Martinique et de la Dominique ». Dans Taglioni François (sous la dir. de), Insularité et développement durable, Marseille, IRD Editions, Coll. Objectifs Suds.