Pauvreté et CMU : fragilité des populations, fragilité des droits

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Le dispositif de la CMU complémentaire est emblématique des transformations qui ont marqué la protection sociale depuis une vingtaine d'années. Son caractère universel concrétise la reconnaissance des droits de la personne humaine. Son inscription dans les mécanismes d'accès aux soins de droit commun est une avancée importante par rapport aux dispositifs d'assistance. Son opérationnalisation a voulu répondre aux différents facteurs d'ineffectivité du droit liés à la fragilité économique et socio-culturelle des populations défavorisées. Pour autant, les orientations générales initiales d'automaticité et de simplicité, de non stigmatisation et de gratuité, paraissent aujourd'hui menacées. D'une part, la dégradation des conditions d'emploi induit l'extension des trajectoires professionnelles particulièrement instables et des situations de pauvreté en emploi. Celles-ci ne sont pas sans engendrer de l'insécurité par rapport au maintien des droits. D'autre part, les modifications introduites au début des années 2000 que l'on peut rassembler sous le terme générique de « responsabilisation du patient » cachent de subtils déplacements d'une responsabilité financière accrue vers une exigence de responsabilité individuelle aux contours à la fois plus larges, du fait des domaines impliqués et plus flous, du fait des conditions réelles d'application. Cette référence aux droits et devoirs des bénéficiaires illustre les limites et la fragilité d'un modèle d'universalisation ciblée de la protection sociale tel qu'il est mis en œuvre en France. Trop exclusivement centré sur la lutte contre la pauvreté, il omet que celle-ci n'est que l'expression radicale des inégalités sociales.

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