2008
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Sylvie Patron, « On the Epistemology of Narrative Theory : Narratology and Other Theories of Fictional Narrative », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.qzuzn0
Cet article constitue le texte augmenté de deux communications, prononcées respectivement en français et en anglais, dans le cadre de deux colloque et journées d'études : un colloque organisé par Matti Hyvärinen et Kai Mikkonen, au Helsinki Collegium for Advanced Studies de l'Université d'Helsinki, deux journées d'étude organisées par mes soins à l'Université Paris 7-Denis Diderot. Le titre, démarqué de celui d'un article de Marc Dominicy sur la poétique jakobsonienne, exprime la volonté d'analyser la théorie narrative d'un point de vue épistémologique. Je m'appuie, d'une part, sur la narratologie genettienne, telle qu'elle est présentée dans "Discours du récit", Figures III et Nouveau discours du récit (je tiens compte également de la tentative de René Rivara dans La Langue du récit pour donner à la narratologie une base linguistique, à partir des travaux de la linguistique énonciative), d'autre part, sur ce que j'appelle, à la suite de S.-Y. Kuroda, les théories "non communicationnelles" du récit de fiction, dont Ann Banfield a donné la version la plus formalisée. En dépit de leur popularité très inégale, je considère ces théories comme des théories objectives, c'est-à-dire discutables, pouvant faire l'objet d'une critique rationnelle, et entre lesquelles il s'agit de faire un choix. L'analyse se développe en trois parties. La première concerne l'objet de la théorie narrative, autrement dit le récit comme objet construit, aussi bien dans la narratologie (où le récit est assimilé à un discours narratif et attribué, dans le cas du récit de fiction, à un narrateur fictif) que dans la théorie narrative de Käte Hamburger (où le récit de fiction et le discours sont des catégories mutuellement exclusives) : cette partie pose le problème de la rencontre entre un objet théorique, défini par un certain nombre de propriétés, et des données empiriques ou historiques (notamment celles qui tournent autour de la distinction entre récits "à la première" et "à la troisième personne"). La deuxième partie de l'article s'intéresse à la façon dont les affirmations de la théorie se prêtent ou non à la falsification. J'envisage notamment l'affirmation de Gérard Genette, selon laquelle "tout récit est, explicitement ou non, "à la première personne", puisque son narrateur peut à tout moment se désigner lui-même par ledit pronom", à la lumière de la théorie du récit et du style indirect libre d'Ann Banfield (le style indirect libre tel qu'Ann Banfield le définit constituant un cas d'observation singulier qui falsifie l'hypothèse de Genette et de la narratologie). La troisième partie de l'article concerne le "réductionnisme" de la théorie narrative (ou la façon dont les affirmations de la théorie sont réductibles à un autre niveau, en l'occurrence le niveau linguistique). Laissant de côté la narratologie genettienne, qui ne s'est jamais intéressée à la "langue du récit", cette partie envisage successivement la narratologie énonciative de Rivara et la théorie du récit et du style indirect libre d'Ann Banfield ; elle montre que le programme de la narratologie énonciative de Rivara repose sur une série de réductions peu ou mal justifiées et qu'il laisse apparaître de réelles contradictions (concernant notamment le statut du narrateur "omniscient"). Elle montre aussi que l'affirmation d'Ann Banfield selon laquelle le comportement des éléments et des constructions caractéristiques du style indirect libre, considéré comme une sous-catégorie du style narratif, fait partie de la langue et est formalisable dans la grammaire de cette langue est inséparable de l'élaboration d'une "autre grammaire", c'est-à-dire d'une autre conception de la langue. La conclusion invite à reconsidérer les rapports entre la théorie et l'analyse des récits de fiction. Cet article m'a été demandé par Gilles Philippe pour le volume d'hommage à Ann Banfield.