L’ordre des mots en prose grecque de registre soutenu : gradation et discontinuité de saillance

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La comparaison de la prose soutenue dans deux extraits, l’un, du premier discours de Périclès (Thuc., 1 144, 2), l’autre, d’un décret athénien contemporain ( IG I3 127) montre que la différence dans l’ordre des mots, d’un texte à l’autre, est insignifiante, même du point de vue rythmique : les deux types d’écrits ressortissaient, en effet, au même art de l’éloquence reposant sur l’écriture auquel s’adonnaient les pepaideumenoi, et non à la langue de communication standard. S’y observe une remarquable coïncidence entre mots (hyper)saillants et effets rythmiques : la plupart des saillances rythmiques sont situées en tête et à la fin des trois niveaux de la période, et parfois au milieu aussi ; elles avaient pour effet de signaler certaines des saillances pragmatiques, qu’elles aient exactement coïncidé avec elles ou se soient étendues de part et d’autre. Notre hypothèse est que la saillance peut être divisée approximativement en quatre degrés : (zéro) SØ, ( moyenne) S, ( forte) S, ( hyperforte) S+. Seuls les marqueurs peuvent être SØ, tandis que les autres degrés peuvent concerner à la fois topique(s) et focus, et à chaque niveau de la période. Les hypersaillances ponctuelles et isolées peuvent correspondre à ce qui était analysé stylistiquement dans l’Antiquité comme prolepse et hyperbate. L’une et l’autre sont faites d’un désordre construit : des syntagmes, ou leurs noyaux seulement, sont mis à l’extérieur de propositions, qui deviennent ainsi discontinues, ou peuvent se trouver disloqués par l’insertion d’un verbe au milieu. Dans ce cadre, la gradation de saillance semble être la représentation la plus appropriée pour décrire la structure pragmatique de la période et de ses composantes. Cela pourrait être schématisé comme une courbe de pics et de repos, ponctuellement rehaussée d’‘hyper-pics’. La discontinuité sporadique est clairement faite d’hypersaillances qui contrastent avec la saillance zéro des marqueurs qui les propulsent. Les degrés de saillance moyen et fort ( S et S) semblent être d’ordre seulement pragmatique alors que l’hypersaillance ( S+) est aussi stylistique, c’est-à-dire plus individuelle, visant à convaincre ( docere), émouvoir ( mouere) voire charmer ( delectare) audience et lecteurs, comme y contribuent les artifices esthétiques, à savoir acoustiques et graphiques.

The comparison of the prose used in two excerpts, one from Pericles’ first speech (Thuc., 1.144.2), the other from a contemporary Athenian decree (IG I3 127), shows that, from one text to the other, the difference in word order is insignificant, even from a rhythmic point of view. In fact, both types of texts belonged to the same art of eloquence practiced by the so-called pepaideumenoi, and not to the standard language of communication. In both there is a remarkable coincidence between (hyper)salient words and rhythmic effects: most of the rhythmic salience is located at the head and at the end of the three levels of the periodic sentence; sometimes also in the middle. This had the effect of indicating some of the pragmatically salient words, whether they exactly coincided with the rhythm or extended on either side. Our hypothesis is that salience can be graded according to approximately four degrees: (zero) SØ, ( medium) S, ( strong) S, ( hyper-) S+. Only markers can be SØ, while the other degrees can concern both topic(s) and focus, and at each level of the periodic sentence. The sporadic and isolated hypersalience can correspond to what was stylistically analyzed in Antiquity as prolepsis and hyperbaton. Both are the result of a constructed disorder: syntagms, or only their nuclei, are put outside clauses, which thus become discontinuous, or they can be disrupted by the insertion of a verb in the middle. In this context, the gradation of salience seems to be the most appropriate representation for describing the pragmatic structure of the periodic sentence and its components. This could be schematized as a curve of peaks and minimums, at intervals enhanced by ‘hyper-peaks’. The sporadic discontinuity is clearly made up of a hypersalience that contrast with the zero salience of the markers that propels it. The medium and high degrees of salience ( S and S) seem to be of a pragmatic nature only, while hypersalience ( S +) is also stylistic, that is to say more personal: it aimed at convincing ( docere), moving ( mouere) or even charming ( delectare) the audience and readers, to which effects acoustic and graphic aesthetic devices also contributed.

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