La marginalité de Renart dans le Roman : une apologie de l’individualisme au XIIe siècle ?

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2023

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Ambre Bonte, « La marginalité de Renart dans le Roman : une apologie de l’individualisme au XIIe siècle ? », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.rcb1vq


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Dans la société communautaire de l’époque médiévale, toute volonté de singularisation est source de suspicion et de marginalisation : le monde est appréhendé comme la manifestation d’un ordo divin qui désigne à chacun sa place dans un système d’uniformisation globale. S’en extraire, par quelque moyen que ce soit, choisir la marge (espace, comportement, idéologie, etc.) contre la norme, c’est être dépossédé de soi, par une instance interne (aliénation par la folie ou la démesure), ou externe (dévoiement par le Diable). Si chaque créature de Dieu doit donc rester à la place qui lui a été attribuée, et s’incorporer à l’espace collectif, c’est pourtant au cours du Moyen Âge central que ce fonctionnement qui réprime toute velléité individuelle s’atténue : au XIIe siècle, un intérêt nouveau pour différentes formes de singularisation apparaissent dans de multiples domaines socio-culturels. Dans les premiers romans écrits en langue française notamment, des explorations imaginaire se font jour qui thématisent sur le mode fictionnel la question d’une individuation particulièrement problématique dans la réalité. L’une des plus remarquable à mon sens transparait dans le Roman de Renart, une œuvre anonyme composée à plusieurs mains et sur plusieurs générations. J’étudie ici les enjeux éthiques de la mise en scène de la marginalité du personnage de Renart : celle-ci me semble participer d’un projet d’individuation du personnage propice à l’expérimentation d’un mode d’existence hypothétique et sans réalisation dans la réalité médiévale contemporaine. La singularisation du héros, un renard aux traits anthropomorphiques, s’y élabore en effet par l’extrême : inscrit dans un monde fictionnel qui reproduit le fonctionnement et les normes de la société féodale du Moyen Âge, Renart s’établit invariablement en contradiction avec celle-ci. Sur le mode de la parodie ludique, le héros conteste l’ordre établi qui exige de lui d’être un bon chevalier au service de son roi, et s’érige volontairement en baron révolté, subversif : aux valeurs chevaleresques et courtoises il substitue une morale individuelle anti-conformiste qui fait de son Moi la valeur absolue : c’est l’incarnation d’un individualisme radical avant l’heure. Plaisir, rire et liberté sont les maîtres mots de ce dissident qui se réjouit d’une marginalité qui laisse libre cours à toutes les transgressions, des plus joyeuses aux plus violentes, et aux désordres les plus inconcevables pour l’époque. Renart est à la marge, certes, mais celle-ci devient le centre d’un roman qui la constitue comme une nouvelle forme d’existence possible.

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