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Fatiha Talahite, « La politique monétaire en Algérie (1999-2019). Une approche d'histoire économique et monétaire », HAL-SHS : économie et finance, ID : 10670/1.rep0et
L'Algérie a fait de son mieux pour limiter son exposition à la dette en devises étrangères, grâce aux revenus des hydrocarbures. Cependant, étant donné la diversification limitée de sa base d'exportation, les finances publiques et la politique monétaire ont été fortement dépendantes des recettes du gaz et du pétrole. Dans ce chapitre, Fatiha Talahite analyse la politique monétaire de l'Algérie pendant le règne du président Bouteflika, de 1999 à 2019. La majeure partie de cette période, jusqu'au choc baissier de 2014, a été caractérisée par un boom des recettes extérieures, grâce aux prix élevés des hydrocarbures. Le gouvernement a mis en œuvre un ensemble de politiques contra-cycliques visant à stabiliser l'économie en la protégeant des chocs externes. Depuis 2002, l'afflux de recettes d'exportation d'hydrocarbures non absorbées par l'économie a conduit à une surliquidité chronique du système bancaire. La politique de la Banque d'Algérie, dont l'objectif principal était le ciblage du taux inflation, a consisté principalement à récupérer des liquidités auprès des banques primaires. L'absence d'un véritable marché du crédit a privé l'économie des instruments nécessaires à la transmission des mesures de politique monétaire à la croissance. Le Fonds de Régulation des Recettes (FRR), créé en 2000 pour amortir les effets des fluctuations erratiques des prix du pétrole sur l'économie, a permis de geler l'excès de liquidité dû à la monétisation d'importantes réserves de change, ce qui a conduit à une énorme accumulation d'épargne oisive par le Trésor, dans un contexte de sous-financement structurel de l'économie. Progressivement, ce fonds a été détourné de son objectif. Utilisé depuis 2006 pour financer les déficits budgétaires croissants, il a contribué à la fuite opaque des dépenses publiques, entraînant un gaspillage des ressources et une corruption généralisée. Le retournement de conjoncture de 2014 a provoqué une pénurie de liquidités que la Banque d'Algérie a tenté d'endiguer par une politique monétaire "accommodante", qui s'est avérée inefficace en raison de la rigidité du système bancaire. Cette impasse a conduit les autorités à recourir massivement à l'assouplissement quantitatif, dans un contexte de crise politique qui a paralysé toute initiative gouvernementale en termes de réformes structurelles. A la fin du quatrième mandat de Bouteflika, la perspective de devoir recourir à la dévaluation du dinar et à l'endettement extérieur pour juguler la crise du financement des déficits jumeaux a fait resurgir la question lancinante de la souveraineté financière, que le régime pensait avoir exorcisée depuis la fin des programmes d'ajustement structurel en 1999. Dans l'ensemble, même si l'Algérie a réussi à obtenir plus de stabilité externe que certains pays riches en hydrocarbures, comme le Venezuela, le Nigeria ou l'Angola, elle n'a pas pour autant réduit sa dépendance aux exportations d'hydrocarbures ni sa vulnérabilité aux chocs externes. Fondée sur une conception étroite de la souveraineté, cette politique a été fragilisée par le manque de légitimité des institutions. En février 2019, elle est massivement remise en cause par le soulèvement du hirak qui revendique la souveraineté populaire comme seule source de légitimité du pouvoir.