14 juin 2018
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Jean-Loup Heraud, « Trois configurations du « voyage dans la causalité » dans la science-fiction française (1 ère moitié du XX ème siècle) », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.rvnkfc
On connait les voyages dans le temps et l'espace comme une source inépuisable de variations dans les romans de science-fiction. C'est le cas par exemple de la mise en scène des paradoxes temporels inaugurés par Barjavel dans Le voyageur imprudent (1943), mais aussi de l'extension des dimensions de notre monde à la quatrième dimension, de l'exploration des espaces galactiques, des voyages dans l'infiniment grand comme dans l'infiniment petit. J. Spitz propose à travers l'intrigue de L'oeil du purgatoire publié en 1945 1 d'inaugurer une « troisième catégorie » : « Mais oui !Pourquoi ne ferait-on pas des voyages dans la causalité ? 2 ». Et de continuer ironiquement : « Tu voyages dans la causalité ? Eh bien, tu m'enverras des cartes postales… 3 ». Le corpus choisi couvre trois domaines de la causalité étrangère à la causalité habituelle de notre monde : ceux des lois biologiques du vieillissement, des lois physiques de la gravité, des lois d'un progrès technologique sans faille dans les sociétés humaines. Mais que la causalité de notre monde soit transgressée ne signifie pas du tout que s'y substitue le dérèglement de mondes fantastiques qui seraient hors de tout contrôle rationnel. Plus que l'absence de toute règle causale, les oeuvres étudiées viendront décrire divers modes de causalité qui pour être contre-nature, n'en introduiront pas moins un nouvel ordre de phénomènes et une configuration de monde cohérente. Dans le roman de Spitz, le temps de la causalité biologique est accéléré, un monde nouveau, dissimulé par la causalité habituelle du monde, se découvre. Dans Le péril bleu de M. Renard 4 , des situations terrifiantes et en apparence fantastiques (des êtres disparaissent dans le ciel en s'envolant) vont se résoudre par une explication fort simple : une causalité physique encore inconnue vient inverser la causalité des phénomènes de notre monde terrestre. Dans 1 Jacques Spitz, L'oeil du purgatoire, 1945. Les citations sont tirées de la réédition L'arbre vengeur, Talence, 2012.