2023
Cairn
Sylvain Gougenheim, « Vae Captivis. Quelques aperçus sur le sort des captifs dans les guerres de Prusse et de Lituanie à l’époque de la domination de l’ordre teutonique », Revue du Nord, ID : 10670/1.rw6snr
Les guerres médiévales offrent d’abondants exemples de captures de prisonniers, qu’il s’agisse de combattants ou des populations civiles. Mais si, dans les conflits entre seigneurs ou États, le système des rançons pouvait réguler le sort de ces captifs, il n’en allait pas de même dans les combats entre les Chevaliers teutoniques et les populations polythéistes de Prusse et de Lituanie. Certes on observe quelques échanges de prisonniers, mais l’ordinaire est celui de l’exercice de la violence contre les vaincus. Les sources font état de fréquentes captures, suivies de captivités dont les conditions nous sont mal connues ; femmes et enfants étaient, semble-t-il, réduits en servitude. Les hommes étaient souvent mis à mort. Des populations entières furent déplacées d’une région à l’autre ; les allusions aux viols des femmes sont nombreuses. Dans les deux camps, on n’hésitait pas à torturer des ennemis vaincus (dont les modalités ont apparemment traversé les siècles…), à les offrir en sacrifice aux dieux, à exercer contre eux de sanglantes vengeances personnelles. Des troupes de combattants irréguliers, opérant dans les zones frontalières, amplifiaient ces phénomènes. Les oppositions religieuses, les visions négatives de l’Autre, aggravèrent sans nul doute la condition de ces captifs en qui on ne reconnaissait – sauf exceptions – ni son égal ni son semblable. On s’étonne à peine dans ces circonstances de voir un allié des Teutoniques être surnommé « le Diable »…