2009
Cécile Roudeau, « Geographies of difference: the Politics of Dialect in Nineteenth-Century America. », HAL-SHS : littérature, ID : 10670/1.s2lzxe
D’un bout à l’autre du XIXe siècle se pose en Amérique la question de la langue ou des langues nationales, une question qui donne à la République l’occasion de s’interroger sur sa capacité à accepter la différence en son sein. Un peu plus d’un siècle après la tentative de Noah Webster d’uniformiser la langue et d’éradiquer « les odieuses distinctions dialectales », W. D. Howells, lui, fait de la diversité des parlers locaux la vraie voix de l’Amérique, une Amérique résolument décentralisée. En un siècle, donc, l’isotopie linguistique d’un Noah Webster, le culte de la généralité, s’est vu remplacer par la fascination de Howells pour les voix plurielles de la démocratie, la louange des particularités. Ce pluralisme, pourtant, est indexé sur une condition : la différence est un atout, pour Howells, si elle est localisable sur la carte de la nation. En la territorialisant, il lui donne une place, il la rend connaissable. À la fin du XIXe siècle toutefois, d’autres voix – celles que Gavin Jones a qualifiées d’ « étranges parlers » (« strange talks ») semblent supplanter les dialectes locaux, et sur la scène américaine émerge une différence qui cette fois n’est plus localisable, qui ne peut même plus être comprise comme « particularité de ». La déterritorialisation de la différence la rend soudain menaçante pour celui qui s’accommodait finalement bien mieux des identités circonscrites du Tennessee, du pays de Pike, ou de Californie. À l’heure où l’Amérique sort de ses frontières pour s’étendre par delà les mers, la différence acceptable doit être distinguée de celle qui met en branle les contours d’une identité nationale bien moins hospitalière aux accents venus d’un ailleurs illocalisable.