14 décembre 2022
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Laurent Goffart, « Le cerveau en trompe-l’œil des sciences cognitives: Critique du plongement dans le fonctionnement cérébral de notions qui lui sont étrangères », HAL-SHS : histoire, philosophie et sociologie des sciences et des techniques, ID : 10670/1.s875hb
Comme la plupart des animaux, nous avons un accès privilégié à notre environnement car dotés d’une sensibilité qui nous distingue du monde minéral. Celle-ci devient une irritation à laquelle s’associent des capacités motrices qui s’organisent en une activation mobilisant de multiples canaux sensori-moteurs, des ensembles engendrant un geste dirigé qui engage l’organisme dans son intégralité. Dans le domaine des neurosciences cognitives, de nombreux auteurs défendent la conception selon laquelle, à partir des interactions avec le milieu extracorporel, des représentations internes seraient présentes dans le cerveau, ajustées peu à peu par l’exercice répété. A partir des contacts créés par les actions, tels des mesures confirmant ou décevant plus ou moins des attentes, des modèles internes se constitueraient plus ou moins exacts. Des processus de mémoire prendraient ensuite le relais pour assurer une permanence. Alors que dans la nature, tout est voué à changer et à se désagréger, une entité résisterait au délitement, engendrant dans le fonctionnement cérébral, un “espace” doté d’une géométrie. Dans cette thèse, nous adressons plusieurs critiques aux sciences cognitives pour avoir cérébralisé des notions relevant des sciences physico-mathématiques, comme si une passerelle existait entre les concepts qui structurent ces domaines de la pensée scientifique et les propriétés intrinsèques du système nerveux central. Au-delà du fait que celui-ci ne soit pas créé par l’homme, cette méthode est comparable à celle qui consiste à comprendre le programme logiciel d’un ordinateur à partir de son organisation matérielle. Elle est inappropriée car un ensemble complexe d’actions signifiantes est constamment requis en provenance de l’extérieur. L’espace et les notions physico-mathématiques sont des idéalités, des instruments créés ou découverts par quelque chose qui n’est pas biologique, la culture, avec ses habitudes, ses coutumes et ses innovations disruptives.