2024
Cairn
Mustapha Hadj Ali, « Les libérés de Cayenne », NAQD, ID : 10670/1.s88b1h
L'article 6 de la loi impériale du 30 mai 1854 sur la transportation, portant sur la condamnation à la peine des travaux forcés, stipulait la peine du doublage. Les forçats étaient condamnés à des peines de travaux forcés allant de cinq ans à la perpétuité. Les condamnés à cinq, six et sept ans, étaient, à l'expiration de leur peine, tenus de résider une période égale à celle de la peine, dans la colonie pénitentiaire. Pour les condamnés à huit ans et plus, ils devaient y résider à vie. À travers cette politique, Napoléon III escomptait fixer les bagnards en Guyane pour répondre à son projet de développement de la colonie, basé sur la main d’œuvre pénale. Les condamnés aux travaux forcés qui étaient parvenus au bout de leur peine étaient donc assignés à la résidence obligatoire d’où leur désignation par « libérés en cours de peine ». À leur libération, ils étaient mis à la porte par l’administration pénitentiaire. Cette dernière ne leur assurait plus le gîte ni le couvert. Ils devaient subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Certains dénichaient un travail, la plupart non. Beaucoup d’entre eux commettaient des délits en ville pour être de nouveau condamné et, du coup, réintégraient le pénitencier; là au moins, ils avaient à manger et étaient hébergés. Cette situation fut dénoncée par Albert Londres, le célèbre journaliste-reporter engagé par le Petit Journal Parisien, qui effectua en 1923 une enquête sur le bagne de Guyane. Suite à cela, Charles Péan, capitaine de l'Armée du Salut, intervint en créant des ateliers de menuiserie pour occuper les libérés en cours de peine, à Saint Laurent et à Montjolie. Tout en étant rémunérés, ils bénéficiaient d’un gîte ainsi que de repas chauds. À la fermeture du bagne en 1946, l’Armée du Salut s’occupa de leur rapatriement et le billet de retour était à leur charge; néanmoins, le Comité de Patronage payait pour les indigents.