17 septembre 2015
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Christian Dupuy, « Du port d'objets coudés au port de la lance dans l'Adrar des Iforas (Mali): la traduction figurative d'un important virage sociétal », HAL-SHS : archéologie, ID : 10670/1.sjok8p
De discrètes, les figures humaines présentes dans les gravures rupestres de l’Adrar des Iforas de l’âge ancien des Métaux deviennent nombreuses et imposantes. Cette même évolution s’observe dans des régions plus orientales. Les causes qui lui sont sous-jacentes peuvent être en partie appréhendées, d’une part, grâce aux données archéologiques et archéobotaniques enregistrées dans des régions allant de la vallée du Sénégal jusqu’au bassin du lac Tchad et, d’autre part, grâce aux signaux biogéochimiques émis par des ossements humains exhumés de diverses sépultures du Sahara méridional. Il ressort de cette documentation que l’agriculture du mil fut déterminante. Son développement au début du IIe millénaire av. J.-C. alors que l’aridité va croissant, engendre des surplus de production. La distribution des excédents de grains libère certains individus de la contrainte de devoir produire leur propre nourriture. Cette situation favorise la naissance d’artisanats spécialisés – joailliers des pierres fines, métallurgistes, charrons – et, par là, la production de biens de prestige. Les échanges commerciaux et idéologiques à grandes distances se développent. Du mil est exporté jusqu’en Inde. Dans l’Adrar des Iforas, des graveurs dessinent des objets coudés munis de grandes lames métalliques en minimisant les silhouettes de leurs porteurs, quand ils ne les ignorent pas, ce qui suggère une fonction liturgique plutôt qu’utilitaire pour ces objets. Cette dimension religieuse de l’art s’éclipse dès lors que des aristocrates affirment leur prépondérance politique par l’ostentation. Leurs images peintes et gravées se multiplient sur les rochers, à savoir celles de personnages traités de face, souvent armés de lance à large pointe métallique, richement parés et vêtus, conducteurs de biges à l’occasion.