2021
Cairn
Irene Lizzola et al., « Conflits entre catégories revendiquées et catégories attribuées à des justiciables : le référentiel islamique à l’aune du raisonnement préventif », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, ID : 10670/1.smb3l3
La logique de la prévention du « danger » propre au dispositif français de la lutte contre le terrorisme s’illustre à travers la référence au « standard juridique »1 de la « menace pour la sécurité et l’ordre public ». Cette prévention est caractérisée par la catégorisation des individus et de leurs actions2 à partir de la mise en place d’enquêtes de surveillance.Deux affaires défendues par une avocate qui a exercé des recours pour excès de pouvoir contre des mesures administratives prises en vue de prévenir des actes « portant atteinte à l’ordre public » et dont le travail a été observé lors d’un terrain ethnographique mené de janvier 2015 à mars 2018 constituent le matériau principal de cette étude.Les contentieux analysés reflètent des débats de plus ample portée au niveau sociétal relatifs à la perception et à l’interprétation d’une normativité islamique s’exprimant dans des discours et des pratiques d’individus identifiés musulmans et donc présumés appartenir à cette catégorie selon les cas de figure. Ces justiciables se perçoivent eux-mêmes de manière plus ou moins explicite comme étant « ciblés » en raison de cette catégorisation.Dans ce contexte, un « désaccord pratico-moral »3 mène à des interprétations opposées des mêmes faits. Dans l’arène de cette confrontation, le référentiel islamique est un enjeu central et son appréciation détermine le résultat du contentieux. Ce dernier peut servir d’appui aussi bien aux stratégies de défense qu’à la logique de surveillance préventive du Ministère de l’Intérieur : ce qui oppose ces deux usages, c’est le caractère moralement implicatif de la catégorisation islamique de certaines pratiques.Dans une logique de lutte préventive contre le terrorisme, la conséquence directe est celle de l’exclusion et la privation de certains droits fondamentaux.