Identité narrative, déprise et vécu du vieillissement

Résumé Fr En

Cet article se propose d’envisager le rapport entre déprise et récit de soi comme source de continuité identitaire dans une perspective philosophique, en référence à la notion d’identité narrative de Paul Ricœur. Si le récit de soi permet de mettre en forme le temps que l’on vit sans supposer un noyau non changeant de l’identité, ce récit devrait favoriser le processus de déprise. Mais cette mise en forme du temps par le récit se heurte à plusieurs obstacles : l’invisibilité de notre propre vieillissement qui ne nous laisse pas l’élaborer, sauf à souscrire aux regards extérieurs qui nous objectivent ; la difficulté d’articuler ce récit avec nos valeurs fondamentales dans la durée du temps d’une vie ; la répétition des contraintes quotidiennes et la discontinuité temporelle dans la relation de soin. La relation d’aide et de soin devrait permettre de créer une continuité suffisante pour accompagner le processus de déprise, mais dans les faits elle vient souvent rompre la cohérence du récit en renforçant le caractère absurde de la répétition occasionnée par les douleurs et les limites fonctionnelles. Dès lors, l’analyse doit envisager les éléments concrets d’organisation dans le soin qui contrecarrent la reprise du récit de soi et le processus de déprise.

This article proposes to consider the relation between déprise and self-narrative as a source of identity continuity from a philosophical perspective, with reference to the notion of narrative identity of Paul Ricœur. If the self-narrative allows us to shape the time we live without assuming an unchanging core of identity, this narration should promote the process of déprise. But this formalisation of time by the narration comes up against several obstacles: the invisibility of our own ageing which does not allow us to elaborate it, except to subscribe to the external looks that objectify us; the difficulty of articulating this narration with our fundamental values in the duration of a lifetime; the repetition of daily constraints and the temporal discontinuity in the care relationship. The relationship of help and care should create sufficient continuity to accompany the process of déprise, but in practice it often breaks the coherence of the narration by reinforcing the absurdity of the repetition occasioned by pain and functional limitations. Therefore, the analysis must consider the concrete elements of organization in the care that counteract the resumption of the self-narrative and the process of déprise.