30 juin 2020
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Charline Granger, « L'ennui du spectateur : thermique du théâtre : 1715-1789 », Theses.fr, ID : 10670/1.spogr6
« On était arrivé avec chaleur [au théâtre], on s’en retournait dans l’ivresse [...] Aujourd’hui, on arrive froids, on écoute froids, on sort froids ». Le diagnostic que fait Diderot en 1758 est clair : le théâtre ne suscite plus les passions du spectateur. Et il n’est pas le seul à le dire : nombreux sont ceux qui regrettent, en ce milieu de siècle, de n’être pas assez émus au théâtre. En envisageant la réception depuis ce qu’elle ne devrait pas être, depuis l’écart et l’anomalie, ce travail se propose de sonder, à partir de multiples discours, cette expérience a priori évanescente qu’est l’ennui du spectateur. Écrits de théoriciens et de dramaturges, critiques journalistiques et anecdotes dramatiques, textes d’acteurs ou portant sur l’acteur, pièces et prologues méta-théâtraux : les sources ne manquent pas qui considèrent cette suspension passagère de l’intérêt comme le signe du déclin du théâtre et du bon goût, voire comme la preuve de la décadence de la société française tout entière. Mobilisant des cadres conceptuels variés, s’appuyant sur des textes relatifs à la médecine, à la physiologie, à la physique et à la chimie, cette étude a pour objet de mettre en rapport l’ennui avec le vocabulaire critique du chaud et du froid afin de faire apparaître une « thermique » du théâtre, tentative de rationalisation de la réception à partir de modèles scientifiques successifs, la mécanique, la fermentation et l’électrification. Car si l’ennui est peu à peu élevé au rang de jugement autorisé, il devient corrélativement un problème esthétique et politique majeur pour les auteurs, théoriciens et critiques qui essayent tant bien que mal de l’expliquer, de manière à essayer de le réguler. Un problème qui se révélera, à la veille de la Révolution, insurmontable.